Le 2è rapport du GIEC passe (encore) à côté de l’essentiel

rapport giec

Trop mou, trop cérébral, trop nuancé, le volet “adaptation au changement climatique” du rapport du GIEC finira (encore) aux oubliettes. Pourtant, ce qu’il annonce est terrible.

Le GIEC n’en finit pas de publier des rapports alarmants, accablants même, dont l’impact médiatique reste profondément mineur. La preuve : le climat occupe moins de 3% des débats de la Présidentielle selon Greenpeace.

Malgré le message fort envoyé par des intellectuels ou des films comme Don’t Look Up”, les chercheurs restent enfermés dans un narratif flou et une perspective lointaine, incapables de rendre palpable l’urgence de la situation et de mobiliser les opinions publiques.

À lire : Bruno Latour : « l’écologie réussit l’exploit de paniquer les gens puis de les faire bailler d’ennui. »

Un peu de contexte

En août 2021, a été dévoilé un brouillon du volet “adaptation” du rapport du GIEC, (dont la version officielle a été publiée en février 2022 est peut être à téléchargée ici en englais).

Ce draft (que je résume ici) était sans appel : selon leurs calculs, il nous restait 4 ans pour stopper la machine à détruire le climat, avant que le réchauffement climatique ne s’emballe et ne mette fin à notre mode de vie. Nous avions donc 4 ans environ pour opérer “une transformation radicale des processus et des comportements à tous les niveaux”, et notamment “redéfinir notre mode de vie et de consommation.

À lire : Selon le GIEC, on a 4 ans pour réduire les émissions de G.E.S

Malheureusement, la version officielle du rapport a été totalement édulcorée… et me semble donc bien partie pour finir aux oubliettes… alors qu’elle devrait mobiliser des foules de milliers de manifestants, en Europe et dans le monde !

Ce que dit le rapport

Pour résumer à gros traits, on comprend que

  • Le réchauffement climatique touche avant tout les pays et populations les plus “vulnérables” (les moins riches
  • Les impacts vont se faire sentir dès 2030-2050
  • Au-delà du seuil de 1,5°C de réchauffement (qui sera atteint vers 2030), les impacts seront démultipliés et irréversibles
  • Il faut accélérer notre action pour organiser la résilience en prenant des mesures pour  préserver les écosystèmes et réduire les inégalités sociales et internationales.

Les 3 limites du rapport

D’abord, certains mots clés sont absents

Ceux qui devraient fonder notre nouvelles politique économique sont absents : low-tech, sobriété, frugalité, autosuffisance, décarbonation de l’agriculture.

Cependant, c’est la première fois que le GIEC évoque la décroissance volontaire (27 occurrences dans la version complète du rapport à 3600 pages) pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Néanmoins, si les alternatives au consumérisme et au productivisme sont évoquées, elles ne sont pas clairement identifiées. Mais alors, quel nouveau modèle adopter ?

De plus, pas une fois le mot décroissance n’est cité dans le rapport aux décideurs. On y trouve par contre des phrases insipides comme : “L’adaptation au changement climatique est importante lorsque les acteurs travaillent de manière équitable, juste et engageante, à concilier des intérêts, des valeurs et des visions du monde divergentes, en direction de résultats équitables et justes“.

Ce genre de banalités tautologiques se succèdent sur une trentaine de pages. On enfonce des portes ouvertes à longueur de phrases emberlificotées !

Surtout, plutôt que de dénoncer les errements du techno-solutionnisme, le rapport préfère parler de “techniques d’adaptations qui vont faire illusion pendant quelques années ou décennies”. On sent ici le poids des États qui valident le rapport et sont sous influence des lobbies de certaines industries (voiture électrique, green-tech, etc…).

Ensuite, les chiffres sont abstraits

3,3 milliards d’êtres humains exposés au changement climatique d’ici 2050“. Ce chiffre n’a AUCUN impact sur l’esprit humain. Même moi, il ne me fait rien.

3,3 milliards… oui mais qui ? Exposés au changement, oui mais comment ? D’ici 2050… bah c’est loin (notamment quand on a 60 ans).

Autres statistiques : “Entre 8 et 80 millions pourraient souffrir de la faim en 2050“. Non mais on joue à quoi là ? Aux paris sportifs ?

Il aurait été tellement plus puissant de prendre des exemples concrets, d’expliquer que des pays comme le Chili, les îles Tuvalu, une partie de La Rochelle ou des Pays-Bas… New-York même, pourraient disparaître sous les eaux (lire ici où s’installer pour survivre à l’effondrement). Il aurait été bien plus utile d’évoquer que qu’ont subi les canadiens cet été avec 3 jours de canicule à 50°C non-stop (lire ici) !

Lire aussi : Le GIEC devrait recruter des peintres et des poètes

Enfin, le timing n’a rien d’alarmant

Dans le graphique ci-dessous (dont on note la complexité et la faible lisibilité), la ligne temporelle note 2030 et 2100.

Cela envoie le message suivant : “nous avons jusqu’à 2030 pour agir, sinon nous allons subir des conséquences d’ici à 2100“. Or, ce n’est pas du tout ce que l’on doit conclure de ce graphique !

N’importe quel observateur est conscient que le scénario vert est inatteignable, compte tenu des engagements de long terme de l’Europe, des EU, ou de la Chine dans des programmes industriels lourds et coûteux. Nous sommes donc déjà sur le scénario jaune ou orange.

Ensuite, ce rapport ne prend en compte QUE les risques climatiques en oubliant son cumul avec la pénurie de ressources !

Ce n’est pas d’une frise dont nous avons besoin, mais d’une carte du monde en 2030, 2040, 2050 avec les zones invivables, les zones de famine, les secteurs inondés, les zones de conflits etc… Si cette carte existe je suis preneur (parlez m’en en commentaire), car je ne la trouve nulle part !

Je ne reproche rien aux scientifiques qui ont sacrifié bénévolement du temps et des ressources pour proposer un rapport de haute qualité scientifique.

Mais j’en veux (tout comme ceux qui ont fait fuiter le brouillon du rapport) au fonctionnement même du GIEC et de l’ONU qui galvaude ces efforts et ce travail en y mêlant la diplomatie et les jeux de pouvoir ! Un science sous influence n’est jamais de bon conseil.

Zeen is a next generation WordPress theme. It’s powerful, beautifully designed and comes with everything you need to engage your visitors and increase conversions.

Top Reviews