Collapse et sécurité : vous êtes plutôt Uzi ou Gandhi ?

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Fresque zapatiste du Chiapas par @mexique-decouverte

Vagabonds en quête d’abri, voleurs, braconniers surarmés, miliciens à la solde de barons cyberpunks… beaucoup de monde risque de toquer à la porte de votre communauté. Pour votre sécurité, vous avez tout intérêt à anticiper.

Faut-il ériger un beautiful great wall autour de votre village ? Je sais, ce n’est pas très inclusif comme démarche. Mais, comme disait Confucius, il faut « se préparer au pire, espérer le meilleur, prendre ce qui vient ».

Lire aussi : une société sans violence est-elle vraiment possible ?

Non, les monstres sont pas gentils…

C’est la vie, pas le paradis.

L’actuelle (et relative) paix sociale n’est maintenue que grâce à l’abondance de biens que fournit notre modèle social et l’endettement public qui l’alimente. Tant que la plupart des besoins de base de la majorité de la population arrivent à être comblés, la sécurité est maintenue à un niveau élevé.

Et tant que l’État a les moyens de financer un système de répression alliant forces de l’ordre, tribunaux pénaux et système carcéral, ont maintient la sécurité.

Aujourd’hui, Paris compte déjà 1 cambriolage toutes les 20 minutes. Et même si la corrélation entre taux de croissance et taux de criminalité n’est pas démontrée, imaginez ce qui pourrait se passer en cas d’effondrement économique et de pénuries alimentaires ou d’essence… !

Sécurité VS solidarité ?

Alors oui, j’entends ceux qui expliquent, études à l’appui, qu’en cas d’effondrement, la loi de l’entraide devrait prendre le dessus sur la loi du plus fort (cf cette excellente vidéo d’Après l’Effondrement).

Les sciences sociales ont démontré que, face au chaos, la plupart des membres d’une même communauté vont ressentir le besoin de s’organiser, de (re)créer des solidarités. Tout le monde ne va pas s’entretuer : tel est le message d’ouvrages comme L’entraide, l’autre loi de la jungle, de Pablo Servigne et Gauthier Chapelle (2017).

Cependant, il ne faut pas confondre l’instinct grégaire favorisé par une peur collective (qu’analyse le philosophe Bertrand Russell) avec de la solidarité. Il s’agit ici, avant toute chose, d’une forme d’altruisme qui n’est, selon la plupart du temps, que la face cachée d’intérêts personnels, sociaux ou étatiques.

Je n’oublie pas non plus les études de psycho montrant que moins un individu a de temps pour analyser une situation, plus sa réaction sera solidaire. Bref : le stress nous rapproche.

L’idée survivaliste de “guerre entre des hordes de gens prêts à tout pour survivre” est davantage inspirée de films de série B que d’expériences réelles.

Enfin, je ne crois pas, non plus, que la disparition de l’éclairage public ou de la vidéo-surveillance va faire exploser les pillages ou les viols.

Il faut cependant envisager que des conflits idéologiques entre diverses factions politiques ou religieuses extrêmes explosent, comme c’est actuellement le cas au Liban un pays clairement entré en dans l’effondrement comme je l’explique dans cette enquête.

Par ailleurs, qui peut croire que le passage de notre mode de vie contemporain au « monde d’après » ne se fera pas sans une hausse des fraudes, de vols, d’arnaques ou de trafics en tous genres ? Ce fut le cas en Russie, à la chute de l’URSS. J’y reviendrai en détail un peu plus loin. 

Pourquoi est-on si méchant ?

Parce que nous ne sommes pas tous « altruistes ». Et parce que certaines personnes ne savent pas vivre autrement qu’en « passagers clandestins ». Cela va du tricheur au prédateur.

Enfin, la plupart des États faillis (comme le Sud Soudan ou la Syrie), ont connu la résurgence de systèmes féodaux : warlords, milices, gangs, mafias. Tous relèvent d’un même modèle visant à assurer, par la violence, la domination d’une famille, d’une caste, d’un groupe sur le reste de la population. Ce n’est pas une nouvelle chose : c’est ainsi que se sont imposées les Compagnies des Indes, mères du capitalisme, entre 1602 et le XVIIIè siècle.

Un peu de philo

Les philosophes antiques, tel Héraclite, et les modernes, dont Hegel, Thomas Hobbes et René Girard, ainsi que les sociologues Durkheim et Weber, ont démontré, chacun à leur façon, que la violence était au cœur de la nature humaine. Pourquoi ? Parce que « le désir humain est mimétique ».

Autrement dit : on passe notre temps à désirer les mêmes choses, à jalouser l’autre et à le combattre. Et il faut ajouter à cela qu’il est impossible de s’enrichir dans un monde aux ressources finies, sans appauvrir un autre. Et donc sans violence, physique ou sociale.

Oui, je viens de résumer un pan entier de touuuuuute l’histoire de la pensée humaine en 16 mots. Et alors ? On a l’esprit de synthèse ou on l’a pas. C’est tout.

Un monde sans violence ? Une illusion romantique !

L’homme est un loup pour l’homme. Et pourtant, nous vivons en sécurité.

La sécurité, ce n’est pas la fin de la violence. Mais plutôt l’acceptation d’un certain degré de violence. L’acceptation de se soumettre à un groupe qui « détient » la violence.

Aujourd’hui, ce groupe s’appelle l’État. Il aura certainement d’autres noms dans le monde d’après, mais toujours la même fonction. En échange de la sécurité, nous lui donnons une partie de notre liberté. Nous lui confions le « monopole de la violence légitime », selon les mots de Max Weber.

On passe ainsi d’une violence physique chaotique à une violence sociale organisée.

Ce transfert de la violence, est un choix. C’est une « servitude volontaire ». Ce choix est réalisé à travers des instances politiques où nous exprimons notre volonté de confier la violence à « l’État », afin qu’il limite celle qui nous habite et impose la sécurité par la force…

Quelques exemples : l’impôt n’est qu’une forme de Tribut (“de racket ?”) organisé et accepté. La prison est une forme acceptée et organisée de punition. Et quand les flics et les militaires nous surveillent, nous contrôlent, nous arrêtent, ce doit être dans l’intérêt général et au nom de l’ordre public. Un système politique sain peut permettre de construire une société apaisée.

Oui mais que faire si l’État s’effondre ? Que faire face à la faillite de la police, de la justice et de l’armée… comme aujourd’hui en Somalie, en Afghanistan ou même au Liban ? Que faire en attendant que l’on construise les institutions qui viendront les remplacer ? 

Le collapse, une aubaine pour les mafieux ?

Tout comme notre société comptera son lot de violences et de crimes, la société post-effondrement sera aussi touchée par la violence.

Il faut garder juste à l’esprit que, contrairement à la majorité d’entre-vous, certains n’ont ni peur du grand méchant loup, ni du gendarme.

Et parfois, ce sont même les grands méchants loups mafieux qui deviennent… les gendarmes.

Ainsi, lors de la chute de l’URSS,  la dislocation de l’État a conduit à une privatisation des forces de l’ordre. Ronan de Cadoudal, de l’IRIS, décrit comment, face à un État incapable de financer une armée et une police efficaces, les entreprises et les riches particuliers embauchent alors des militaires pour assurer leur sécurité et recouvrer leurs dettes. Pour cela, ils font appel à des milices voire  des mafieux que l’on appelle “associés de sécurité“.

Dans le même temps, des groupes armées organisent un racket des habitants et des petits commerçants. Celui qui ne paie pas se trouvera privé de krysha, c’est-à-dire de “protection”.

Or, ce racket n’est qu’une forme primitive et illégitime… d’impôt (ou de Tribu). Selon une étude de 2005, 11 % des entrepreneurs Russes seraient impliqués dans ces extorsions et 53 % auraient admis avoir été victimes de racket.

L’exemple Russe montre bien que, sans État, la violence prend rapidement le dessus. Selon une étude de l’IRIS, le développement de la puissance des mafias Russes aurait pu “faire sombrer dans le chaos total, avec un morcellement complet du pouvoir autour de territoires ou de secteurs d’activité“. D’après son auteur, sans les mesures draconiennes – et contraires au droit international – prises par les FSB sous la férule de Vladimir Poutine, la mafia aurait pu prendre le contrôle de la l’ex-URSS.

Pour comprendre ce que l’IRIS entend par “mesures draconiennes” , je vous recommande cette vidéo de GouvHD, un youtubeur qui raconte la Russie. La vidéo débute au moment intéressant ! Spoiler : les mesures draconiennes finissent souvent au cimetière (et ce gros monsieur en rouge dans la vidéo est le fossoyeur de la mafia). 

Lire aussi : À quoi ressemble un collapse ? L’exemple de l’effondrement de l’URSS

L’image de l’État failli devenu État mafieux n’est donc pas qu’un mythe hollywoodien.

Ceux qui sont devenus otages des « maîtres de guerre » de l’Afghanistan des années 2000 peuvent en témoigner. Certes, la fiction s’en est abondamment inspirée. Mais la barbarie est une réalité et la nier est aussi néfaste qu’en faire une obsession mortifère.

Face à ces phénomènes, mieux vaut être lucide : à la fois conscient et rationnel. Suffisamment conscient pour les prévenir et s’en préserver. Et suffisamment rationnel pour ne pas sombrer dans la paranoïa.

Il faudra garder l’œil ouvert et le bon !

Soyez donc prêts à affronter toutes sortes de dangers extérieurs et à vous prémunir contre les actes malveillants. Une préparation qui s’avère d’autant plus importante qu’il n’existera probablement plus d’assurance capable de réparer le pillage de votre réserve de pommes de terre ou le vol de votre magnifique vélo-tandem électrique.

Comment surveiller et punir en temps d’effondrement ? Sacrée question qui exige un véritable travail à la fois socio-ethnologique, historique et philosophique. Oui, mais voilà, n’est pas Michel Foucault qui veut ! Alors, je laisse à d’autres le soin d’écrire ce pavé !

Gated community et sécurité

Non, l’option « dégommer les rôdeurs au fusil à lunette » ne fait pas partie de ma vision du futur. Voilà, ça va mieux en le disant.

Je n’entrerai donc pas dans les débats de type :

Je pars du principe que la France est suffisamment armée comme cela, notamment du côté des campagnes, entre les chasseurs (4 millions de fusils) et les clubs de tir sportif (1,3 millions d’armes de catégorie B).

Sur ce sujet, je suis dans la team Gandhi : “nous n’utilisons pas les armes… parce que nous n’avons pas d’armes“.  Plus d’armes = plus de violence**.

**On peut lire cette phrase en prononçant le “plus” avec ou sans son S.

Alors, concrètement, que faire si l’on se trouve à la campagne, dans un lieu relativement isolé au beau milieu des champs, ou à proximité d’une forêt ? Difficile de protéger plusieurs milliers de kilomètres carrés d’éco-hameau… à moins de les cerner de remparts ou de tranchées.

C’est le principe de la gated community : une version moderne de la bonne vieille cité fortifiée, au sein de laquelle l’ensemble de votre éco-hameau pourrait trouver refuge contre les dangers extérieurs.

L’objectif de ces fortifications sera de contrôler l’accès à votre communauté, afin d’assurer sa préservation, dans un contexte de pénuries et d’exodes climatiques.

Pour l’heure, ce genre de questions restent tabou. D’ailleurs, un des critères de définition d’un éco-hameau est son caractère “inclusif”. Une inclusivité facile à mettre en œuvre en temps de paix et d’abondance… Et encore ! Beaucoup de créateurs d’éco-hameau mettent des “barrières” à l’entrée d’un nouvel occupant/associé (rencontres, échanges) et s’arrogent le droit de lui refuser de prendre part à leur aventure.

Autant donc être franc et briser le tabou tout de suite, histoire d’en parler librement et de fixer une “ligne de conduite” qui s’impose au groupe. En cas de crise, ferme-t-on les portes ? Qui peut-on héberger (famille, amis, inconnus) ? Sur quels critères ? Quelles ressources peut-on leur attribuer ? Etc…

Entre la bunkerisation surarmée façon The Walking Dead et l’idéal d’Oasis ouvertes aux quatre vents… il existe une troisième voie qui tente de poser un équilibre entre sécurité et inclusion. Bref, ne soyez ni parano, ni bisounoursien.

Questions concrètes

Question 1 : les fortifications.

Inspirez-vous du moyen âge. Tracez, sur une carte, des tranchées dont le périmètre ne dépassera pas les 10 km, permettant à un groupe de sentinelles d’assurer leur tour de garde en 2 heures de marche (à une vitesse moyenne de 5 km/h), afin d’organiser 4 rondes par journée, sans interruption. Pourquoi des tranchées ? Parce que qu’un trou est beaucoup plus simple à faire que d’ériger des barrières ou des grilles de 3 mètres de haut, avec des tours de guet et des portes gardées.

Question 2 : la justice

Ne vous inspirez surtout pas du moyen âge. Prévoyez la création d’une instance de médiation et de résolution des conflits séparant juges et enquêteurs (un principe essentiel du droit depuis le XVe siècle) et assurant l’indépendance des juges. Statistiquement, le meilleur système judiciaire d’Europe, voire du monde, semble être celui du Danemark. Alors pourquoi ne pas vous en inspirer (ici un livre pour vous y aider).

Question 3 : les armes

C’est un sujet touchy, mais auquel je me dois de répondre que, puisque les « gendarmes » sont armés, les « forces de sécurité » de votre communauté doivent l’être aussi.

Vous pouvez décider de les professionnaliser, en maintenant les mêmes personnes à ces fonctions. Ou de partager cette tâche entre les membres de la communauté, qui porteront le képi à tour de rôle.

Dans le premier cas, peu d’armes seront en circulation dans la communauté (c’est le cas en France actuellement). Cela réduira la criminalité au sein de la communauté, mais la majorité de la population sera incapable de se défendre face à un agresseur extérieur ou intérieur (si policiers et militaires se transforment en mafieux, comme au Brésil).

Dans le second cas, tout le monde ou presque sera armé. Cela augmentera les risques de crimes à coups de fusil… mais rendra votre communauté plus forte face à un ennemi extérieur (comme en Israël, notamment).

Voici le genre de choix locaux auquel vous risquez très concrètement d’être confrontés en cas d’effondrement. Et si, comme moi, vous êtes un bobo-écolo installé dans un village campagnard où 3 familles sur 10 chassent tous les dimanches, et où 6 électeurs sur 10 votent RN au premier tour… les débats risquent d’être animés !

S’organiser dès à présent dans sa commune

Un excellent moyen de préparer la population de votre patelin à s’intéresser aux sujets de sécurité est d’organiser une “réserve communale de sécurité civile“. Cette réservé volontaire, créée en 2004, organise la participation de collaborateurs occasionnels et bénévoles aux actions des forces de sécurité, lors d’accidents ou de catastrophes (feux, canicule…).

Bon, on ne va pas leur donner un uniforme et un flingue : ils aideront surtout à l’intendance (transport du matériel, approvisionnement des secours, soutien moral…). Mais son existence sera déjà un bon début, et tissera des liens forts entre les citoyens et les représentants de l’ordre.

Pour autant, rien n’interdit de former votre réserve citoyenne de sécurité civile au maniement des armes, au sein d’un club de tir sportif. Comme l’explique très justement Nicolas Falempin de solutionslocales.fr, “avoir une population habituée au maniement des armes ne signifie pas qu’il y aura des tueries“. À titre d’exemple, il évoque le cas Suisse, “où la population sert dans la milice d’autodéfense et s’initie ainsi aux armes à feu. Toute la différence réside dans les valeurs qui assortissent ce maniement“.

On en revient toujours au même point : l’éducation est la clé de tout !

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