Une société non-violente est-elle chimérique ? La violence ferait-elle partie de la nature humaine (et on y peut rien) ? Mais alors, qui garantira notre sécurité dans un monde post-collapse ? J’ai ma petite idée là-dessus!
Pour placer cette question dans son contexte, il faut remonter aux origines de la philosophie.
La violence est au cœur de la philosophie antique et obsède les philosophes grecs et romains. pourquoi des humains qui ont le même but entrent-ils toujours en conflit ? Pourquoi passons-nous notre temps à désirer les mêmes choses, à envier l’autre, à le jalouser et à le combattre ?
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« Tout est violence », Héraclite
Du philosophe moderne Thomas Hobbes à René Girard, en passant par Hegel, beaucoup ont tenté de répondre à ces questions, concluant que le désir humain est mimétique, et que la violence est au cœur de la nature humaine.
Un monde sans violence est une illusion romantique (oui je sais, c’est un pan entier de la philosophie résumé en 8 mots, mais pour ceux qui ont le temps, il y a, un peu plus loin, le lien vers une conférence de 2 heures sur le sujet).
Il nous faut donc accepter que nous vivrons toujours dans un environnement violent. Mais, pour autant, une forme de paix est possible. Une paix qui n’est pas une fin de la violence… mais une acceptation d’un certain degré de violence. Une soumission de la population à un groupe qui « détient » la violence.
Ce groupe, on l’appelle l’État. En échange de la sécurité, nous lui donnons une grande partie de notre liberté. Nous confions à l’État le « monopole de la violence légitime », selon les mots de Max Weber.
Ce transfert de la violence, est un choix. C’est une « servitude volontaire« . Ce choix est fait à travers des instances politiques. Chaque élection est l’instant où nous acceptons collectivement de confier la violence à l’État, afin qu’il limite celle qui nous habite…
Concrètement : l’impôt est un vol organisé et accepté destiné à financer « la paix sociale ». La prison est une forme acceptée et organisée de torture. Quand les policiers et les militaires nous surveillent, nous matraquent, nous arrêtent, ce doit être dans l’intérêt général, au nom de l’ordre public.
It’s democracy, stupid !
Seul un système politique sain exercera une forme de violence acceptable.
Or, l’actuel retour de la violence, et la crise de légitimité des forces de l’ordre (les fameuses violences policières), l’affaiblissement du consentement à l’impôt, l’augmentation des actes de justice privée (les expéditions punitives), le Capitole pris d’assaut cet hiver à Washington, sont des signes de la faillite des démocraties contemporaines. Autrement dit, les actuels excès de violence de la société sont un signe d’usure de nos démocraties parlementaires.
Même si certaines études que cite Pablo Servigne dans son livre sur l’entraide, montrent qu’en cas de crise, les individus préfèreront l’entraide à la guerre civile, une société sans violence reste un fantasme.
Cependant, un système politique sain peut permettre de construire une société apaisée. Il est donc essentiel de repenser nos démocraties, afin que le « monde d’après » soit un monde de paix.
Voilàààà : les passionnés de philosophie pourront visionner cette conférence de François-Xavier Bellamy, donnée en Janvier 2020 lors d’une Soirée de la Philo de l’association Philia.
Viva Zapata !
Mais quel modèle de gouvernance choisir ?
Je crois qu’il faut se pencher avec attention sur le système zapatiste instauré au Mexique depuis 1994 par un groupe autonomiste et révolutionnaire. Jérôme Baschet le décrit dans ses livres (notamment La rébellion zapatiste, Ed. Flammarion, 2019).
Les principes de la gouvernance zapatiste sont simples :
1-Le peuple décide (vraiment) et le gouvernement exécute.
2-Pas de gouvernement des experts : tout le monde peut participer à toutes les instances.
3-Pas de professionnalisation du personnel politique : les mandats sont courts et non-renouvelables
On voit bien que c’est tout le contraire de la Ve République, où le pouvoir législatif est en réalité entre les mains du gouvernement, où les hauts fonctionnaires sont omnipotents et où la politique peut être une carrière très lucrative. Bref, on fait tout à l’envers.
Administrativement, les zapatistes sont organisés en villages, au sein desquels un conseil communautaire, qui réunit tous les habitants, prend les décisions. C’est de la démocratie directe.
Mais, pour s’entendre entre les villages, il existe un second niveau (les communes qui réunit des villages) et un troisième (les régions qui réunit des communes). À ces échelons on a une démocratie représentative, avec des conseillers élus pour un mandat unique de 3 ans.
Pour chaque grand projet, on organise une navette entre les niveaux, afin d’obtenir la synthèse la plus respectueuse possible des volontés de la population.
Mais c’est encore Jérôme Baschet qui en parle le mieux :
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