Limits to growth : le rapport Meadows résumé pour les lycéens et les profs

résumé du rapport meadows
©TomTirabosco

Aussi méconnu qu’essentiel, le rapport Meadows de 1972, intitulé ‘Les limites à la croissance’ est un des livres fondateurs de l’écologie politique. En voici un résumé destiné, en priorité, aux lycéens et à leurs enseignants… mais aussi à tous les écolo-curieux  !

Voici le texte de l’article en version PDF, à télécharger librement.

Contexte historique

Entre les années 1940 et 1970, les sociétés occidentales sont entrées dans la « civilisation thermo-industrielle » et ont en été profondément transformées.

La civilisation thermo-industrielle, c’est un mode de vie consumériste, où la plupart des produits consommables sont le fruit d’une production industrielle dépendante aux énergies fossiles (pétrole) ou fissiles (nucléaire).

Ce mode de vie est né grâce aux nouvelles technologies militaires, imaginées durant la seconde guerre mondiale. 

Ainsi, après la fin de la guerre de 39-45 :

  • les plans des Jeeps et mini-chars sont modifiés pour devenir des tracteurs et des voitures,
  • les gaz mortels sont transformés en insecticides pour augmenter les rendements agricoles,
  • le béton des bunkers devient le matériau d’une reconstruction rapide des villes,
  • les recherches sur les missiles et les radars accélèrent le développement d’une industrie du voyage en avion,
  • les machines à casser les codes secrets deviennent des super-calculateurs, ancêtres des ordinateurs, etc,
  • la médecine de guerre va permettre de développer des techniques encore utilisées aujourd’hui dans la médecine d’urgence.

Ces innovations vont donner naissance à une société moins agricole, plus urbaine, industrielle et tertiaire.

Une société…

  • où les femmes travaillent,
  • qui promet le confort pour tous, et associe le progrès technique au progrès social (“Moulinex libère la femme”),
  • où les produits artisanaux sont remplacés par des produits industriels (le fameux “poulet aux hormones” chanté par Jean Ferrat),
  • où la jeunesse s’offre des disques, des jeans et des gadgets fabriqués à l’étranger,
  • où les distances se réduisent, grâce à la voiture et aux avions,
  • où les décideurs politiques et économiques ont les yeux rivés sur “la croissance”, c’est-à-dire l’augmentation de la production de biens manufacturés (le PIB).

Le prix de cette croissance, c’est l’exploitation des ressources naturelles : le sol, les minerais (charbon, acier) et surtout les énergies fossiles (le pétrole).

Le rapport Meadows va être publié au début des années 70.

Cette décennie est l’apogée des « Trente Glorieuses ». Une période de croissance inégalée pour les pays développés, où on pense que l’enrichissement sera sans limite, pour des siècles et des siècles…

Mais, en réalité, la dynamique économique commence déjà à s’essouffler.

De plus, cette nouvelle société a vu croître de nouvelles inégalités et aspire à des mœurs plus libres. Des tensions qui conduiront à des révoltes, notamment celles de mai 1968 en France.

Le club de Rome

C’est dans ce contexte qu’en 1971, le cercle de réflexion du Club de Rome* commande à des chercheurs du M.I.T. (le Massachusetts Institute of Technology) un rapport sur les impacts écologiques de la croissance économique et démographique.

*Né en 1968, le Club de Rome, un cercle de réflexion lancé par l’Italien Aurelio Peccei (patron de Fiat) et Alexander King (ancien directeur de l’Organisation de coopération et de développement économiques – OCDE). Le Club existe toujours et continue à publier des rapports de très grande qualité, sur les question d’environnement et d’économie.

Publié en 1972, ce rapport, intitulé The Limits to Growth (Les limites à la croissance) a connu un succès mondial.

Il est aujourd’hui surnommé le Rapport Meadows, en rapport au nom de deux de ses auteurs, Dennis et Donella Meadows. Dommage pour son troisième auteur, Jorgen Randers, resté dans l’anonymat.

Que dit le rapport Meadows ?

On y découvre une simulation mathématique, physique et économique, nommée « World 3 ».

C’est une formule avec de nombreux paramètres (taux de fécondité, fertilité des sols, stock de ressources, impacts de la pollution, taux de croissance…) qui permet de prédire les tendances du futur.

Attention : les chercheurs ne sont pas des devins. Ils ne prédisent pas l’avenir. Mais ils étudient des scénarios. Pour chaque scénario, les paramètres changent, pour analyser des résultats différents. On parle ici de simulations.

Le scénario 0

Les chercheurs ont analysé un scénario 0 (ou « business as usual »). Selon cette simulation, l’humanité continue de croître et de consommer de façon exponentielle (de plus en plus vite).

Et pour maintenir son mode de vie, elle consomme de plus en plus de ressources, jusqu’à puiser, chaque année, 3 fois plus de ressources que ce que la terre ne peut produire. Dit simplement : on va consommer 3 planètes par an.

Dans ces conditions, le système planétaire serait rapidement en surchauffe et s’effondrerait au bout de quelques décennies, sous la pression de la croissance démographique et industrielle.

Pour info : chaque année, l’ONG Global Footprint Network calcule le “jour du dépassement”. La date à laquelle la consommation de l’humanité dépasse les ressources renouvelables disponibles sur la Terre. Selon ses calculs, les occidentaux consomment près de 2 planètes par an pour assurer leur mode de vie.

La fin de la croissance ?

Selon le rapport, la surexploitation des ressources conduira à un choc, qui stoppera la croissance de l’économie et de la population.

Autrement dit, l’humanité vivra un krach économique et démographique majeur à cause de la pollution, de la disparition de la biodiversité. L’humanité vivra des pénuries, des famines, des pandémies et des catastrophes climatiques.

Le simulateur révèle même quand arrivera ce grand krach : « durant les toutes premières décennies du XXIe siècle ».

Les chercheurs expliquent que la chute du modèle thermo-industriel sera accélérée par des « boucles de rétroaction » : des événements qui entraînent voire accélèrent d’autres phénomènes.

Par exemple : la hausse des émissions de CO2 augmente la température > qui conduit à une augmentation de la consommation d’électricité (clim, frigo, ventilation) > qui augmente encore plus la consommation d’énergie > et donc la hausse des émissions de CO2 > et ainsi de suite…

À l’époque ce résultat fut un choc

La preuve : le Président américain, Jimmy Carter, décida de réduire le thermostat de la Maison Blanche à 19°C et d’installer des panneaux solaires sur le toit.

Lors de l’inauguration de ces panneaux, il déclara qu’en l’an 2000, “ce chauffe-eau solaire [sera] soit une curiosité, une pièce de musée… Ou le symbole d’une des aventures les plus grandes et les plus excitantes jamais entreprises par le peuple américain“. Pour info : Ronald Reagan, son successeur à la Maison Blanche, a rapidement envoyé le panneau solaire au musée !

Autre fait marquant : à la suite de la publication du rapport Meadows, Jimmy Carter commanda à son Conseil National de la Recherche un autre rapport sur l’impact des activités humaines sur le climat. Un rapport publié en 1979 et surnommé “le rapport Charney“.

Un rapport qui prévoyait (déjà !) l’impact des gaz et effets de serre et le réchauffement climatique… mais qui a vite été enterré et oublié.

Pourquoi les scientifiques n’ont pas été écoutés ?

Cette question n’a pas de réponse facile.

Peut-être à cause de la croyance populaire dans le génie du progrès technologique qui résoudra tous les problèmes. Mais aussi à cause du contexte de la guerre froide entre l’Occident et l’URSS qui instaure une course à la production.

Très peu de personnes imaginaient que la croissance pourrait chuter brusquement, comme le montre la fameuse courbe qui résume le rapport.

Il faut comprendre que, dans les années 1980, l’idée qu’il y ait des limites à la croissance était tout simplement impensable pour beaucoup d’économistes et de dirigeants politiques.

Et pourtant, c’est très logique : le modèle mathématique World 3 démontre qu’imaginer une croissance infinie dans un monde fini n’est pas possible.

C’est comme si l’humanité était un fêtard, qui dépense son capital ; au lieu de vivre de ses intérêts. Cela peut fonctionner un temps, mais au final le monde se retrouve ruiné.

Problème : malgré toutes les alertes et tous les signaux, c’est ce scénario que nous suivons depuis 50 ans. Depuis 50 ans, nous sommes dans le déni. On se contente de solutions technologiques ou techniques, comme le recyclage, le développement d’énergies renouvelables ou de technologies vertes, qui ne sont que des solutions temporaires, comme on va le voir avec l’étude des « scénarios technologiques ».

Les scénarios technologiques

Dans cet autre scénario, les chercheurs imaginent que l’on découvre – comme par magie – une énergie qui multiplie par 2 les ressources de la planète, sans avoir à puiser dans nos ressources naturelles. Un peu comme le super-réacteur du film Iron Man.

Le résultat de la simulation montre que, même dans ce cas, l’effondrement de la civilisation interviendra… un peu plus tard.

Autrement dit : même si l’on découvre une super-énergie ultra-puissante, l’effondrement aura lieu.

Conclusion : la technologie n’est pas la solution. Car, même si elle paraît « propre », une technologie entraîne souvent des effets désastreux qui ne se remarquent qu’après de nombreuses années. La technologie est souvent une façon de déplacer dans le temps ou dans l’espace les effets négatifs de la croissance.

Celui qui explique bien ce phénomène, c’est le chercheur français Philippe Bihouix.

Pourtant, dans les années 1990, des économistes néolibéraux ont imaginé un modèle mathématique concurrent de World 3 : le modèle Dice.

Un modèle qui fonde ses simulations sur l’idée que la technologie va compenser les effets négatifs des activités humaines. Et c’est notamment sur ce modèle “pro-business” que la plupart des gouvernements fondent leurs politiques économiques et environnementales…

Les scénarios soutenables

La dernière partie du rapport s’intitule « Transitions vers un système soutenable ».

Ici, les chercheurs imaginent des scénarios où l’humanité parvient à vivre sans dépasser les limites de la planète.

Dans ces scénarios optimistes, nous sommes sortis de l’addiction à la croissance.

Nous avons aussi changé d’objectifs : plutôt que la croissance du PIB, les gouvernements cherchent à améliorer la santé des enfants, la citoyenneté, le bien-être…

De plus, l’humanité s’est mise à prévoir, à planifier et à appliquer le principe de précaution.

Enfin, on utilise plus la technologie pour maximiser les rendements et accélérer la croissance, mais, au contraire, pour limiter ou réduire les atteintes de l’homme sur la nature (agriculture, pollution, habitation). C’est ce que l’on appelle les right tech, les « technologies justes ».

Bref, dans ce scénario, le système Terre n’est plus en surchauffe.

Petit problème : nous aurions dû appliquer les principes de ce scénario depuis 2002 (il y a 20 ans), pour qu’il nous permettre d’éviter le krach !

Une révolution de la durabilité vers un monde bien meilleur pour l’immense majorité d’entre nous est possible. »

Paragraphe final du Rapport Meadows

Bon à savoir : le rapport Meadows est régulièrement mis à jour avec de nouvelles données. C’est The Donella Meadows Project qui s’en charge. Et, pour ne pas vous rassurer, sachez que ses nouveaux calculs aboutissent toujours aux même conclusions.

À vous de jouer !

  1. Imaginez à quoi pourrait ressembler une société durable. Proposez des solutions qui permettraient de transformer votre ville en une « cité durable du futur », sans tomber dans les pièges de l’abus des technologies, et en vous inspirant de la nature.
  2. Imaginez les métiers du futur ! À quoi pourrait ressembler votre vie professionnelle dans une société soutenable ?

Le rapport Meadows est disponible gratuitement et en intégralité à cette adresse.

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