La revue Nature publie une étude selon laquelle 7 des 8 limites planétaires assurant la bonne marche du système planétaire sont déjà dépassées.
Johan Rockström de l’Université de Postdam et 40 chercheurs internationaux le confirment dans une étude : le système planétaire est entrain de basculer, avec 7 des 8 limites dépassées. En clair : certains processus terrestres se dérèglent de manière irréversble, avec des répercussions graves sur le climat et la biodiversité.
Comme le dit Johan Rockström : « Si la planète était un corps, tous ses organes seraient affectés. »
« Nous courons le risque de déstabiliser la planète entière »
Les auteurs lancent l’alerte. Les cycles du climat, de l’azote, du phosphore sont rompus. Le niveau des eaux de surface et des eaux souterraines se dégrade. L’étendue des espaces naturels intacts se réduit à peau de chagrin. L’intégrité fonctionnelle des écosystèmes modifiés par l’humain s’effondre. Seul le niveau de pollution par les aérosols reste soutenable… mais jusqu’à quand ?
Pourtant, cette alerte sur les limites planétaires n’aura aucun effet sur le marche du monde. Pour deux raisons.
Premièrement, le défaut de ce genre de check list, c’est que tant qu’on cochera TOUTES les cases, que 8 limites planétaires sur 8 ne sont pas atteintes, le système poursuivra sa course, business as usual.
Ensuite, voici pourquoi la plupart des décideurs économiques et politiques mettrons cette étude à la poubelle : ses résultats sont sociaux, et non purement mathématiques.
En effet, au critère objectif de seuil de sûreté, les chercheurs ont ajouté un critère de justice. Ou, plus précisément, de « limite juste » : le seuil à partir duquel les effets deviennent néfastes pour le vivant et les conditions de vie humaines.
Et cela change la donne. Car chaque phénomène impacte déjà la vie quotidienne de millions de personnes. En ajoutant ce critère, on obtient que le niveau de 53 % des eaux souterraines est insuffisant. De même, seulement 35 % des espaces anthropisés disposent de suffisamment d’arbres pour préserver « l’intégrité fonctionnelle des écosystèmes« . Enfin, le surplus d’azote (rejeté par l’industrie dans l’environnement) est estimé à 119 tonnes/an, soit plus du double de la limite » juste » établie à 57 tonnes par les scientifiques. Néanmoins, il sera difficile de mener des procès contre les multinationales super-polluantes sur la base de ces constatations en partie « subjectives ».
Pire, les industriels se frottent désormais les mains : car un monde malade, c’est un client à mettre sous respirateur, sous perf… Et les voici avec leur géoingénierie et la captation carbone !
La 8è limite bientôt dépassée ?
Seule le critère de pollution par les aérosols semble se situer à un niveau supportable. Techniquement, l’épaisseur optique des aérosols des hémisphères nord et sud doit est à 0,05, sous le seuil de 0,15 fixé par les scientifiques. Concrètement : une hausse de la quantité d’aérosols dans un hémisphère y réduit les précipitations, et les augmente de l’autre côté de l’équateur). Mais, en même temps, la pollution aux particules fines tue plus de 4 millions d’humains chaque année. Où est la justice là-dedans ?
Autre crainte : l’augmentation rapide des aérosols dans l’atmosphère, à une vitesse estimée par certains comme exponentielle, pourrait conduire à un dépassement de cette limite plus vite qu’on ne le pense (lire ici).
Peut-on revenir en arrière ?
Johan Rockström veut rester optimiste : « La fenêtre est encore ouverte, mais elle commence à se fermer. »
Le seul interstice exige de mettre en oeuvre une « transition écologique intégrale » et globale. Et encore, même si nous parvenions à mener cette révolution totale, mondiale et immédiate (I have a dream) ce ne serait que pour « améliorer la situation » (pas la réparer) car, comme l’explique la chercheur Joyeeta Gupta de l’Université d’Amsterdam « (qu’)il est difficile de faire machine arrière en ce qui concerne le changement climatique ». Enfin quelqu’un qui ose dire (comme Jem Bendell) qu’il n’y aura pas de retour en arrière. Sauf que Bendell ajoute, ludice, qu’il faut nous adapter dès maintenant.