« Il ne tient qu’à nous de réinventer une Europe vivante »

@ Capucine Barat--Gendrot

Au Parlement européen, progression de l’extrême droite et backlash sur l’écologie. Un pas de côté et une autre Europe – celle des biorégions – se dessine avec l’essayiste et journaliste Agnès Sinaï.

Au lendemain des élections européennes, le constat est sans appel. La vague verte européenne est au bord de l’abîme. Avec 5,5 % des voix, selon les estimations de l’institut Ipsos, l’écologie politique n’a pas réussi, cette fois-ci, à émerger. Pour « réinventer une Europe vivante », l’essayiste et journaliste Agnès Sinaï, autrice de l’ouvrage Réhabiter le monde – Pour une politique des biorégions (Seuil, collection « Anthropocène », 2023) a une piste. À une Europe des États-nations et de l’économie, elle y oppose une Europe des rivières, des bocages et des bassins-versants.

La biorégion plutôt que le Green deal

À l’inverse d’un Green deal qui s’abstiendrait au langage de l’économie, la biorégion parle de quelque chose de physique. « On n’est pas là pour vendre des voitures électriques ou des smart grids [réseaux de distribution d’électricité] mais pour parler de géographie, de milieux, de vivants, d’animaux, d’eau et de l’air que l’on respire « , déclare Agnès Sinaï, pour qui l’écologie des biorégions part du bas et des liens entretenus avec l’ensemble du vivant. C’est dans cette vision écocentrée que réside le concept de biorégion. Née au début des années 1970 sur la côte ouest des États-Unis en pleine contre-culture californienne, la notion de « biorégion » s’appuie sur la nécessité de sortir du seul prisme humain et de la mise à distance généralisée de la nature. À la tête de cet horizon désirable, l’écologiste Peter Berg et sa femme Judy Goldhaft qui posent les bases : chercher à privilégier les frontières naturelles au détriment des frontières administratives en s’appuyant avant tout sur un bassin-versant, c’est-à-dire sur le réseau hydrographique d’un fleuve. En partant de cette idée, chaque biorégion est unique, située à un point de la biosphère et reconnaissable.

Ériger « réhabitation » et « hospitalité » en priorités politiques

Il n’y aurait pas de biorégion sans réhabitant.es. Cette idée que la vie dans les sociétés industrielles est de toute évidence hors-sol et qu’il est urgent de réinventer des manières d’habiter avec nos milieux afin de fonder tout projet de société écologique cohérent. Aisément, on constate qu’une frange de plus en plus importante de la population française – et probablement mondiale – souhaite un mode de vie plus local, plus lent et qui fasse sens. Pour Mathias Rollot, architecte et docteur en architecture, celui qui se dit biorégionaliste « habite autre chose que des éléments culturels, un appartement, une ville ou un quartier, mais cohabite avec une espèce animale ou végétale. C’est un imaginaire plus qu’une cartographie finie ». On comprendra donc que l’être humain n’est plus consommateur.ice mais usager.e de son territoire. Et dans un contexte où « la régression politique guette une partie de l’Europe, le biorégionalisme peut inspirer une forme de guérison pour nous apprendre à vivre dans un territoire blessé, à inventer des sociétés post-consuméristes selon des valeurs d’entraide, de proximité et de réparation qui pourraient nous réconcilier avec nous-mêmes« , conclue l’essayiste Agnès Sinaï.

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