Repenser notre rapport à la terre

Privatiser la terre n’est pas une pratique universelle. Elle relèverait même du sacrilège dans certaines sociétés. C’est ce que nous montrent les travaux de l’ethnologue Danouta Liberski-Bagnoud, spécialisée dans la région du haut bassin du fleuve Volta.

Dans la pensée économique moderne, la terre n’est considérée ni comme un bien public ni comme un bien commun. Elle est vue comme une simple pourvoyeuse de ressources dont il faut définir le mode d’exploitation le plus efficace. Face à ce que Garrett Hardin a nommé « la tragédie des communs », les sociétés capitalistes ont transformé la terre en bien privé, ordonnancée par des acteurs économiques qui en prennent soin. En France, par exemple, 74 % des forêts sont aux mains du privé.

Instance souveraine

Dans son ouvrage La souveraineté de la terre, Danouta Liberski-Bagnoud nous donne à voir une alternative privilégiant l’humanisation de l’environnement. Ses recherches de terrains, régulièrement réitérées entre 1981 et 2012 dans la région kasena au Burkina Faso et au Ghana, portent sur le rapport non marchand qu’entretienne les populations avec la terre.

Pourquoi ne peut-on pas vendre la terre dans les civilisations voltaïques ? Pour ces sociétés, la terre n’est ni un bien commun ou une divinité. Puisqu’elle existe, elle est une instance souveraine. Le problème qui se pose alors aux humains n’est pas celui de son appropriation, mais davantage celui de leur coexistence avec cette instance. Dans cette perspective, la notion d’habitabilité de la terre prévaut sur la propriété ou sur la création de richesses. On se demande alors comment l’habiter sans lui nuire ou se faire punir par cette instance.

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Exit le paradigme propriétaire

Pour répondre au mieux à cette question, il s’agit de se référer au « gardien de la terre ». Ce dernier a la responsabilité de rappeler et de faire respecter certaines règles rituelles et pratiques pour le bien de la collectivité. Le principe fondamental est que, la terre étant une instance souveraine et absolue, elle ne saurait faire l’objet d’une appropriation. Un autre principe important est que tout humain a droit, non pas à la propriété, mais à une place où il peut mener une vie digne et laborieuse. Nul donc ne peut vendre de la terre, ni se l’approprier. Pas même le fameux gardien. Violer ces règles revient à attirer sur soi et sur la société tout entière malheurs et catastrophes.

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