La décroissance expliquée à ceux qui font semblant de pas comprendre !

décroissance

Vous allez tout comprendre à la décroissance en moins de temps qu’il n’en faut à François Pinault pour gagner un million d’euros !

Dans les meetings politiques, sur les plateaux télé ou dans les amphis, beaucoup font semblant de confondre « décroissance » et récession. C’est à eux – et à vous par la même occasion – que je vais tenter d’expliquer ce qu’est vraiment la décroissance… et pourquoi c’est l’avenir !

Les limites de la croissance

Aux origines de la théorie de la décroissance, il y a un constat : une croissance infinie dans un monde fini est physiquement impossible. Je dirai même plus : c’est complètement absurde.

Plus nous produisons, moins nous disposons de matières premières, d’énergie et plus nous polluons.

Le saviez-vous ? Actuellement, l’empreinte écologique de l’humanité est de 2,3 hectare/habitant. Cette empreinte est supérieure à la biocapacité de la planète estimée à 1,8 ha/habitant.

Bref, s’entêter à poursuivre l’objectif de la « croissance du PIB » relève du suicide collectif.

La preuve : en 2009, le Stockholm Resilience Center a déterminé 11 processus naturels qui sont indispensables à l’habitabilité de la planète. 5 d’entre eux sont déjà enrayés par l’action humaine : la biodiversité, le changement climatique, le changement d’usage des sols, la perturbation des cycles biogéochimiques de l’azote et du phosphore. Bientôt ce seront 7 d’entre eux, avec l’acidification des océans et la surconsommation d’eau douce.

Depuis l’antiquité, l’enrichissement des uns (la création de valeur ajoutée) est (toujours) le fruit de l’exploitation des corps humains et des ressources naturelles.

Cette théorie est détaillée dans un livre : le fameux rapport Meadows de 1972 sur « les limites à la croissance ».

Il n’y a pas d’avenir pour l’humanité, sans revenir à un mode de vie qui respecte les limites planétaires.

Mirages de la croissance

Les théories économiques qui sont aujourd’hui appliquées dans le monde postulent que

croissance = création de richesses = création d’emplois = redistribution des richesses

Sauf que cette théorie est fausse.

Elle est née dans les années 1950, pendant les « Trente Glorieuses » que l’on présente toujours comme un âge d’or… Alors qu’en fait, c’est juste le moment où l’humanité s’est mise à piller la nature sans aucune limite.

On sait depuis les années 1970 que la théorie de la croissance ne fonctionne pas.

On sait qu’elle conduit à un pillage des ressources naturelles (cf rapports Meadows 1972 et Charney 1979).

On sait aussi que la croissance ne fait pas le bonheur des populations, mais qu’elle repose sur l’exploitation du vivant (humains compris).

De nombreux économistes et psychologues ont démontré que la « société de consommation » repose essentiellement sur l’organisation d’une frustration permanente, sur la création de besoins artificiels et sur l’obsolescence prématurée des produits.

Alain Caillé, dans son livre L’idée même de richesse (2012) explique “qu’au-delà de 15.000 € annuels de revenu moyen par tête (revenu d’un « smicard »), il n’existe plus de corrélation entre richesse monétaire et bonheur. Ce montant est celui du revenu médian des Français en 1970“.

Productivisme et consumérisme construisent une société d’égoïsme et de compétition vide de sens.

Le saviez-vous ? En chine, dans les zones détruites par les industries, l’eau et l’air sont tellement pollués que leur habitants perdent les années d’espérance de vie gagnées grâce à la médecine moderne.

Depuis les années 80, on sait que la croissance ne crée plus d’emploi, mais s’alimente du chômage de masse et de la dette, qui conduisent à des politiques d’austérité et de paupérisation.

En effet, depuis les années 2000, 80 % de la richesse produite est captée par une minorité de rentiers. Des ultra-riches qui pratiquent souvent l’optimisation fiscale ou la fraude fiscale. Conséquence : leur enrichissement ne permet même plus de financer la protection sociale ou les services publics. En revanche, au nom de la croissance, leurs entreprises captent énormément d’aides publiques sous forme de subventions et d’aides publiques.

La saviez-vous ? Le PIB qui est la principale boussole de ces économistes, est un indicateur macho. Pourquoi ? Parce qu’il n’attribue de valeur qu’aux activités domestiques de production « masculines » (ex : innovation, construction, réparation, transport de charges). Par contre, les activités stéréotypées comme « féminines » (ménage, cuisine, éducation, enfants, le care…) sont du travail gratuit ou, au mieux, des services publics « non rentables » (et donc mal payés). C’est très patriarcal comme vision des choses.

De plus, on sait que la globalisation économique a rendu nos sociétés très vulnérables : nous sommes dépendants aux importations à flux tendus et aux approvisionnements en énergies fossiles.

On sait enfin que l’augmentation du PIB est toujours liée à une augmentation des inégalités sociales. En un mot : la croissance enrichit les riches et appauvrit les pauvres.

Voilà pourquoi les théories de la croissance ne sont pas totalement fausses… Mais elles ne fonctionnent que pour les plus riches, qui vivent de rentes en capital et pas d’un salaire.

Aujourd’hui, ce sont ces industries sous perfusion de subventions et les rentiers qui les contrôlent qui nous vendent les concepts de croissance verte, de développement durable, de « découplage » entre croissance du PIB et utilisation de l’énergie… Mais c’est toujours le même mirage de la croissance !

L’objectif de croissance conduit à refuser ou différer les décisions nécessaires à la préservation de l’environnement.

Définir clairement la décroissance

La décroissance est un mouvement volontaire et démocratique de réduction progressive de la production et de la consommation, pour revenir au respect des limites planétaires, réduire les inégalités et augmenter la qualité de vie.

Pour en savoir plus, intéressez-vous aux travaux de l’économiste Timothée Parrique.

Voici une autre définition : « réduction de la production de biens et de services dans les pays développés, pour préserver l’environnement et le bien-être de l’humanité ».

La décroissance, ce n’est pas une récession (croissance négative). Car l’idée n’est pas de diminuer le PIB. C’est d’oublier le PIB et d’oublier l’objectif de croissance. C’est d’avoir de nouveaux objectifs : le bien-être, l’équilibre naturel planétaire…

La décroissance, c’est aussi une modèle qui empêche la concentration des richesses dans les mains de quelques-uns.

Deux mesures peuvent être intéressantes :

  • fixer un patrimoine maximal autorisé pour chaque foyer.

Un « plafond » qui viserait les 1 % de rentiers, contraints de « donner » leur surplus de patrimoine à la collectivité, ou de quitter les pays dans lesquels la mesure s’applique. Puisque la croissance ne peut être infinie, le revenu et le patrimoine doivent être limités ! C’est une atteinte aux libertés individuelles qui peut être justifiée par un intérêt général supérieur, celui de la protection de l’environnement.

Selon certains analystes, fixer une limite de 1500 kg de CO2 par personne et par an (soit 2 000 litres de lait, 1 vol A-R Paris/New York…) permettrait de maintenir la concentration de CO2 sous le seuil critique. Une solution extrêmement difficile à mettre en œuvre, car nécessitant un contrôle serré et permanent de la vie privée des consommateurs.

La décroissance propose un retour à l’essentiel.

Une nouvelle hiérarchie des valeurs et des choix collectifs fondés sur ce qui est utile à la société (exemple : importance des professions déconsidérées, reconquête des souverainetés alimentaire, économique, numérique, etc).

La décroissance, concrètement : moins de biens, plus de liens

La décroissance n’est pas un suicide économique. Il s’agit de fixer démocratiquement des technologies prioritaires (santé, recherche biologique, numérique durable, énergies renouvelables…), auxquelles la majorité des ressources seront allouées par la collectivité.

La décroissance détruira des emplois non-essentiels, remplacés par de nouveaux (ou d’anciens métiers) jusqu’alors en tension ou confiés des machines : réparateur low tech, ouvrier dans une recyclerie, charpentier, maraîcher dans la bio, commerçant, gestionnaire de micro-crédits en monnaie locale, agro-écologiste, designer en permaculture, soin des bêtes, journaliste, métiers de l’humain (soignant, enseignant…), couturier(e), gardien de la paix, médiateur des conflits, gardiens des biens communs (eau, forêt, sol…), boulanger avec four à bois, maçon en terre-paille, chaumier…

Évidemment, nous gagnerons collectivement moins d’argent. Cependant, cette « perte de pouvoir d’achat » ne sera pas douloureuse, puisque nous aurons fortement réduit notre consommation. Ici, la principale préoccupation sera le financement du logement (achat, loyers, entretiens). Déjà, des solutions de logement alternatif existent : auto-construction, tiny-houses, réemploi, SCI communautaires, colocations-écologiques, éco-hameaux… qui permettent de réduire le coût du logement (voire de le diviser par 10 !).

Enfin, l’entrée dans la décroissance suppose un changement radical d’organisation du temps de travail, fortement réduite pour permettre aux familles de s’occuper de leur jardin et d’y cultiver l’essentiel de leur alimentation. Selon les saisons, jusqu’à la moitié du temps de travail d’une journée pourra être consacrée au jardin partagé, jardinage chez soi, sous la supervision et avec l’aide d’agro-écologistes professionnels employés par la collectivité.

Sortir de la croissance est possible

L’économiste Éloi Laurent définit la décroissance comme une « transition du bien-être ».

Il explique que des alternatives au PIB existent déjà. Il s’intéresse notamment à l’indicateur de vie longue, heureuse et soutenable dont je vous parlais il y a peu.

Ensuite, il explique que l’on peut sortir de la croissance sans sortir du capitalisme (il cite le Japon, la Finlande et l’Islande), tout comme on peut sortir du capitalisme sans sortir du dogme de la croissance, comme l’a fait l’URSS. Ça vaut mieux éviter.

Enfin, il montre que de nouvelles pratiques sont possibles, comme la « budgétisation environnementale » menée en Islande, ou les « budgets du bien-être » écossais.

« Sans soutenabilité ni résilience, le bien-être n’est qu’une illusion de court terme. Réciproquement, la soutenabilité sans bien-être n’est qu’un idéal. ». Eloi Laurent

Le saviez-vous ? Selon une étude de ObSoCo (2020), 55 % des Français adhèrent à « l’utopie écologique » et souhaitent une « réorganisation de la société et de l’économie vers l’équilibre et la sobriété, impliquant un changement de modes de vie et de consommation résumé par la formule : moins mais mieux ». Ce n’est qu’un sondage, mais c’est déjà un bon signe.

Désormais, la question la plus urgente est de savoir comment motiver les individus à changer de mode de vie. Car leur parler de « sauver la planète » ne suffit pas. Pour être plus efficace, mieux vaut leur parler de la préservation de leur bien-être…

Oui mais comment ?

Pour inspirer une réponse, je voudrais citer ce passage du discours prononcé par Bob Kennedy, en mars 1968.

« Notre PIB prend en compte, dans ses calculs, la pollution de l’air, la publicité pour le tabac et les courses des ambulances qui ramassent les blessés sur nos routes. Il comptabilise les systèmes de sécurité que nous installons pour protéger nos habitations et le coût des prisons où nous enfermons ceux qui réussissent à les forcer. Il intègre la destruction de nos forêts de séquoias ainsi que leur remplacement par un urbanisme tentaculaire et chaotique. Il comprend la production du napalm, des armes nucléaires et des voitures blindées de la police destinées à réprimer des émeutes dans nos villes. Il comptabilise la fabrication du fusil Whitman et du couteau Speck, ainsi que les programmes de télévision qui glorifient la violence dans le but de vendre les jouets correspondants à nos enfants. En revanche, le PIB ne tient pas compte de la santé de nos enfants, de la qualité de leur instruction, ni de la gaieté de leurs jeux. Il ne mesure pas la beauté de notre poésie ou la solidité de nos mariages. Il ne songe pas à évaluer la qualité de nos débats politiques ou l’intégrité de nos représentants. Il ne prend pas en considération notre courage, notre sagesse ou notre culture. Il ne dit rien de notre sens de la compassion ou du dévouement envers notre pays. En un mot, le PIB mesure tout, sauf ce qui fait que la vie vaut la peine d’être vécue ».

À voir : une conf pour tout comprendre à la décroissance

"Simplicité volontaire : moins consommer pour une vie meilleure"

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