L’extrême droite détourne le discours écologiste pour nourrir des discours xénophobes. L’écofascisme est en marche.
Deux slogans, deux exemples : « Sauvez les abeilles, pas les migrants » et « L’homme doit défendre son biotope contre les invasions« . Vous avez compris où on veut en venir ? C’est du ségrégationnisme sous couvert de protection de Mère Nature.
Derrière ces manipulations du langage on trouve Alain de Benoist et Guillaume Faye, qui associent baisse de l’immigration et décroissance. Selon eux, la crise climatique augmente les déplacements de populations et accélère le « grand remplacement ».
Grand réchauffement = grand remplacement
Pour eux, le problème n’est pas tant le réchauffement que le déferlement de migrants climatiques.
Autre manipulation : détourner la notion de « terroir français pour la faire coïncider avec le concept nazi de « sang et sol » (Blut und Boden). Un concept qui renvoie à une théorie selon laquelle chaque peuple doit rester sur son territoire pour préserver l’équilibre naturel – un truc inspiré de l’étude de la forêt par des botanistes.
C’est ainsi que, sous couvert de « localisme » ou de « patriotisme écologique », on retrouve des thèses racialistes exhumées.
L’influence du survivalisme
Beaucoup d’écofascistes viennent des rangs du survivalisme. On pense notamment aux fondateurs des ZID, pour « zones identitaires à défendre », qui prônent un affrontement armé, et la pratique du survivalisme pour anticiper la guerre civile.
Certains sont même déjà passés à l’acte : on pense à l’attentat de Christchurch (2019) où le tueur Brenton Tarrant, prônait un discours écofasciste. En France, des groupes survivalistes sont régulièrement démantelés.
Par exemple, Julien Rochedy, ancien président du FN-J, a publié Surhommes et sous-hommes, dans lequel il prône l’avènement d’une « biocivilisation » dont seront exclus les « sous-hommes » incapables de résister aux efforts nécessaires à la transition écologique. Avec cette théorie, Rochedy est devenu très populaire sur YouTube.
En véritables influenceurs antisystème, ils abordent tous les grands phénomènes (pandémie, la guerre en Ukraine, LGBTQIA+) sous un angle dévoyé, en mettant notamment en avant la capacité de « certains » à s’adapter, et l’incapacité d’autres (trop faibles). « L’Homme est justement depuis des millions d’années la seule espèce qui s’adapte à toutes les températures», disait Éric Zemmour.
Nous ne sommes pas suffisamment préparés à combattre cette alliance criminelle entre le brun et le vert, ni conceptuellement ni politiquement. »
Pierre Madelin
L’écofascisme est déjà à l’œuvre en Europe
La France glisse progressivement vers un modèle illibéral, marqué par le démantèlement des services publics et un affaiblissement de l’État de droit. Ce virage autoritaire, déjà observé en Hongrie et en Italie, menace aussi l’avenir du mouvement low-tech. Si celui-ci reste encore épargné par les pressions politiques, il pourrait bientôt être pris en étau entre deux mâchoires : d’un côté, un assèchement des financements publics sous prétexte d’efficacité économique ; de l’autre, une récupération idéologique par l’extrême droite via le courant “folkiste”.
Ce libéralisme autoritaire, inspiré de Carl Schmitt et incarné par des figures comme Orban, Meloni ou Macron, impose une économie ultra-libérale en restreignant les libertés politiques. Le but : enfermer les citoyens dans un cycle travail-consommation-loisirs, en étouffant toute contestation.
En Hongrie, le gouvernement détourne les aides agricoles vers les grands propriétaires, asphyxie les lieux alternatifs comme Cargonomia, et taxe lourdement les productions locales bio. En Italie, les coupes budgétaires précipitent la fin d’initiatives de mobilité douce, justifiant ensuite leur répression sous prétexte d’activisme radical.
Plus insidieuse encore est la tentative de récupération de l’imaginaire low-tech par le “folkisme”, une écologie identitaire promue par une extrême droite en quête de respectabilité. Enrobée de discours sur l’autonomie et le localisme, elle cache des thèses xénophobes, eugénistes et antimodernes.
Face à cette double menace, le mouvement écologiste doit affirmer son ancrage dans l’éducation populaire et l’émancipation collective. Car une véritable transition écologique ne peut exister sans transmission, entraide ni coopération. Elle n’est pas une esthétique du passé, mais une dynamique d’empouvoirement face aux dérives autoritaires et productivistes.
L’extrême-droite contamine le débat politique, et représente un véritable « vert-brun » dont le succès va croissant. La force de leur discours : parler à ceux qui sont sortis du climatoscepticisme, mais qui restent prêts à céder aux sirènes de l’extrême-droite.
Mais comment prévenir les amalgames et inclure l’engagement antiraciste dans le discours écologique ?