Il existe un lien entre changement climatique et parasites vecteurs de maladies : le réchauffement accroît leur prolifération et multiplie les menaces sur la santé mondiale.
Vous pensiez que le changement climatique n’allait provoquer “que” des catastrophes météo (sécheresse, déluges, méga-feux…). Désolé de vous apprendre qu’elles seront aussi sanitaires !
Car le réchauffement est propice au développement de parasites dont l’existence n’a qu’un seul but : pomper votre énergie vitale !
Disclaimer
Je ne parle pas ici de parasites comme les poux ou les vers solitaires, mais de “tous les organismes qui vivent aux dépens d’un hôte qui lui fournit les éléments nécessaires à sa survie”. C’est-à-dire des virus, des bactéries et autres champignons (comme ce p*tain de mildiou qui a ravagé 8 plants de tomates sur 10 en France en 2021).
Pour ceux que ça intéresse (vu le contexte, il peut y en avoir beaucoup !) voici un cours de parasitologie de niveau universitaire.
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Boom parasitaire
Selon un rapport du GIEC publié en 2013, le réchauffement serait bien à l’origine d’un boom parasitaire. On y lit que la hausse des températures moyennes sur la planète aura d’importantes conséquences sur la santé humaine. En effet, elle (re)créera des conditions très favorables au développement et à la multiplication de pathogènes émergents ou ré-émergents dans certaines régions.
Alors, oui, les virus sont des parasites… et ils vont être de plus en plus présents à cause du réchauffement climatique ! Imaginez : deux Covid par an. Nan, je déconne. Mais imaginez quand même.
Bon, il n’y a pas que l’humanité qui est menacée. Tout le vivant est à la merci d’une surpopulation de parasites de différentes tailles, espèces, modes d’infection… hmmm.
Changement climatique et parasites : toujours plus de moustiques
Un des grands enjeux, c’est l’émergence de vecteurs de parasites dans des zones où ils ne prospéraient pas auparavant.
Ces vecteurs sont des insectes ou des acariens capables de transmettre un parasite (vers, bactérie, virus, etc.) d’un animal/d’un humain à un autre.
Je pense notamment aux moustiques, aux tiques ou encore aux phlébotomes (qui ressemblent aux moustiques).
Tous sont porteurs de maladies à transmission vectorielle qui ont besoin d’un insecte vecteur pour transporter le parasite vers son hôte.
Or, les changements environnementaux, comme les variations de température, vont augmenter le nombre de vecteurs et/ou de parasites.
Une brève histoire des moustiques. On en compte 3500 espèces dans le monde. Ils voyagent avec les biens de consommation. Ainsi, le moustique tigre pond ses œufs dans des pneus chinois livrés en Europe. Pour lutter contre la prolifération des moustiques, les cambodgiens utilisent des guppys : des poissons qui mangent les larves de moustiques dans les eaux stagnantes. Il existe aussi des pièges, et des élevages de moustiques mâles stériles, ou modifiés pour être résistants aux virus.
Des parasites plus virulents
- Premier problème soulevé par les chercheurs : le réchauffement climatique peut réduire la durée d’incubation d’un parasite, accélérant sa transmission à de nouveaux hôtes.
- Deuxième souci : le réchauffement va déplacer les populations d’insectes vecteurs… et donc de parasites.
Imaginez l’été où le moustique-tigre débarquera en Aquitaine, avec le paludisme dans son estomac !
- Troisième mauvaise nouvelle : l’augmentation de l’humidité de certains territoires. Elle augmentera la durée de vie des insectes vecteurs qui pourront ainsi transmettre les parasites plus longtemps dans l’année.
Selon un récent rapport sur les maladies humaines susceptibles d’être influencées par le changement climatique, certains insectes pourraient littéralement envahir des zones dont ils sont actuellement absents. Et ce en quelques années seulement !
On parle ici de “remontée » des insectes vers le nord et des altitudes supérieures.
3 façons de se protéger « naturellement » des moustiques : faire pousser des plantes répulsives (lavande, citronnelle), porter des vêtements clairs et poser des moustiquaires.
La possibilité d’un piège
Des Arlésiens semblent avoir inventé un piège qui élimine près de 90 % des moustiques dans un rayon de 60 mètres sans aucun insecticide !
L’intérêt est de ne cibler que les moustiques, et pas les moucherons qui servent de nourriture aux oiseaux et aux amphibiens. Ces bornes ce nomment “Qista” et sont actuellement installées dans plus de 50 villes française, dont Carpentras, Toulon, Marseille et Toulouse.
Petit défaut : elles sont connectées et donc dépendantes aux panneaux solaires posées sur leur capot.
Le concept est très ingénieux : la machine disperse du dioxyde de carbone et un leurre olfactif pour imiter la respiration et l’odeur humaine afin d’attirer les moustiques femelles. Une fois à proximité, le moustique est aspiré. En revanche, les moustiques mâles ainsi que les abeilles, papillons et coccinelles ne sont pas attirés par le piège. La diversité est ainsi préservée.
En un mois, la borne pourrait capturer jusqu’à 7 800 moustiques par jour. Une lueur d’espoir ?
Le Paludisme dans les Alpes ?
Nous n’en sommes plus au stade de la prévision. L’émergence ou le retour de certaines de ces maladies ont déjà été constatés hors des aires de répartition habituelles de certains insectes.
C’est notamment le cas du paludisme.
Le paludisme est actuellement considéré comme un problème “africain” ou “exotique”.
Les changements climatiques entraînent déjà une prolifération des moustiques dans des régions dont ils étaient absents et notamment en haute altitude !
Pour info : le Paludisme est causé par une algue (Plasmodium Falciparum) qui se développe d’abord à l’intérieur de la trompe (la pique) de n’importe quel moustique… Qui va ensuite vous transmettre le parasite en vous piquant. L’algue va atteindre votre foie, où elle va se multiplier, avant de polluer votre sang. Ah oui, j’oubliais : le plasmodium falciparum a développé une résistance aux médicaments qui permettaient de le combattre. Le palu, aujourd’hui, c’est 600 000 décès par an. Heureusement, il existe des traitements préventifs !
Y’a pas que l’palu !
Les moustiques sont aussi vecteurs du chikungunya, du virus zika, de la fièvre jaune, de la dengue, ou encore du typhus.
Imaginez que toutes ces maladies à transmission vectorielle – encore très localisées sur certains endroits du globe – s’invitaient chez nous…
La Wolbachia est un exemple de stratégie de lutte contre les moustiques vecteurs de la dengue. Le World Mosquito Program a inoculé aux femelles moustiques une bactérie qui supprime la transmission de la dengue à l’humain. En Australie, la start-up InnovaFeed a construit une usine d’élevage à de ces moustiques « modifiés ». À Nouméa (Nouvelle-Calédonie), des lâchers de moustiques adultes à wolbachia sont réalisés depuis 2019. On y distribue aussi des petites capsules d’œufs de ces moustiques : les wolbicaps.
Ticks attack
Vous vous souvenez de ce navet de 1993 ?
Malheureusement, son scénario débile risque de venir hanter vos étés d’ici quelques années.
Je veux bien sûr parler ici de la tique… et la maladie de Lyme qu’elle transporte (pas de parano : la tique transmet la maladie de Lyme dans 1 à 5% des cas, selon les spécialistes).
La maladie de Lyme est une maladie neurodégénérative qui se manifeste au début par l’apparition d’une tache rouge au niveau de la piqûre. Elle progresse par la suite, atteignant le cerveau et le système nerveux.
Le mal est causé par une bactérie (la Borrélia) qui se transmet principalement via les tiques (Ixodes ricinus). Elle va s’infecter en se nourrissant du sang d’un hôte porteur de la bactérie puis la passera au prochain hôte dont elle sucera le sang. Potentiellement : vous. C’est comme cela qu’on peut se faire contaminer, rien qu’en sortant dans son jardin.
Or, la hausse des températures allonge le cycle de développement des tiques et augmente leur survie. Elles peuvent ainsi avoir plus d’hôtes au cours de leur vie, et donc transmettre plus souvent la bactérie.
Ce constat vaut aussi pour les aoûtats, ces acariens aux allures d’araignée rouge dont la piqûre est particulièrement urticante.
L’espoir d’un traitement : le laboratoire nantais Valneva a développé un vaccin prometteur contre la maladie de Lyme qui pourrait voir le jour d’ici 2025. Pendant ce temps, d’autres chercheurs américains pensent avoir trouvé un traitement via la protéine PGLYRP1 ou même grâce à un vieil antibiotique oublié.
Prolifération et gigantisme
L’évolution du climat au cours de ces dernières années a déjà contribué à modifier l’aire de répartition des populations de tiques.
En effet, vecteurs et parasites étendent peu à peu leur propagation vers les zones en altitude et le Nord.
Ainsi, la Russie a vu exploser le nombre de cas de maladies liées au tiques entre 1970 et aujourd’hui, avec une accélération sur les dix dernières années.
La maladie de Lyme a aussi débarqué en Amérique du Nord avec un doublement du nombre de tiques aux USA, et une multiplication par 5 au Canada.
En Afrique, les tiques progressent des zones arides aux zones semi-arides et sub-humides plus habitées.
Dernièrement, une tique géante aux pattes rayées a fait son apparition dans nos jardins ! Jusqu’ici établie dans les zones chaudes et arides d’Afrique, hyalomma marginatum a étendu son empire à la Turquie, aux Pays-Bas, à l’Autriche et au sud de la France (Pyrénées, Hérault, Gard, Var, Corse). Elle serait arrivée jusqu’à nous sur le dos de chevaux importés d’Espagne ou d’Italie.
Elle serait porteuse du virus de la fièvre hémorragique de Crimée-Congo, dont le taux de létalité atteint les 30 %. Heureusement pour l’Europe, aucune super-tique retrouvée sous nos latitudes n’était porteuse de ce virus.
Les virus du passé vont-ils contre-attaquer ?
On lit, ça-et-là, que la fonte du pergélisol libère des virus en sommeil dans des restes humains, animaux ou végétaux congelés, conservés, dans la glace, depuis des centaines de milliers d’années.
Le dégel du permafrost pourrait-il libérer des virus mortels endormis ?
J’ai une bonne et une mauvaise nouvelle.
- La bonne, c’est que, selon les chercheurs, les virus dangereux, du type “grippe espagnole”, ont peu de chance de survivre. D’abord, ils devraient survivre au processus de congélation/décongélation, puis infecter un humain avant d’être détruit par la chaleur ambiante. Un scénario digne d’un roman de science-fiction (je vous recommande de relire Le neuvième jour d’Hervé Bazin).
- La mauvaise nouvelle… c’est que 2 virus géants (des mimivirus), conservés dans le pergélisol depuis 30 000 ans, ont été récemment identifiés et seraient toujours capables d’infecter un hôte immunodéprimé ! Par ailleurs, en 2021, ce sont des microbiologistes de l’université de l’Ohio qui ont exhumé du glacier Tibetain de Guliya des bactéries et des virus vieux de 14 000 ans.
Selon la microbiologiste Chantal Abergel, “des virus comme le Pithovirus et le Mollivirus, risquent de se réveiller avec l’exploitation des ressources minières et gazières ces régions, rendues accessibles par le changement climatique”.
Les chercheurs imaginent le scénario catastrophe suivant : des ouvriers creusent le pergélisol à la recherche de ressources, sont contaminés par des pathogènes oubliés. Une fois rapatriés dans une grande ville pour examen… le virus se répand dans le pays, puis dans le monde entier via les transports internationaux.
Malgré tout, le virologue Jean-Claude Manuguerra considère que “les dangers de la fonte des glaces sont plus à chercher dans la libération de gaz à effet de serre que dans celle d’un risque de pandémie”.
On veut bien le croire !
Le pergélisol porte une autre menace : des bactéries dangereuses surgies du passé. C’est une des théories qui permettrait d’expliquer la mort, en 2016, d’un enfant touché par la “fièvre charbonneuse” (le fameux anthrax), une bactérie disparue depuis… 1941.
L’ère des épidémies végétales
Il n’y a pas que les humains qui sont exposés aux parasites. Les plantes aussi, avec un risque de famine à la clé !
Deux exemples.
- La maladie du dragon jaune (ou psylle africain), touche depuis quelques années déjà les orangers de Floride. Le pourtour méditerranéen est désormais menacé.
- Le champignon Fusarium décime les bananeraies de Chine et d’Afrique, et a récemment atteint l’Amérique du Sud ! Aucun traitement viable n’existe encore.
Selon la FAO, près de 40 % de la production mondiale de blé serait sous la menace d’épidémies de rouille jaune. Dans ces conditions, le risque de famine globale n’est plus à écarter
Or, ici aussi : plus la température grimpe, plus l’appétit des parasites augmente ! Chaque degré supplémentaire entraîne une hausse de la population d’insectes ravageurs de 10 %.
Pour l’heure, la seule solution que les industriels propose sont… des OGM super-résistants, comme le «maïs bt», résistant à la pyrale qui représente 80 % du maïs cultivé aux États-Unis. Par contre, personne ou presque n’envisage des solutions agro-écologiques basées sur une hausse de la biodiversité et d’une diversification intelligente…
Bref, la nature est une boîte de Pandore et nous venons d’en forcer la serrure !