Alors que les scientifiques débattent encore de notre entrée dans l’anthropocène (une ère où l’humain façonne le monde), certains évoquent notre entrée dans une nouvelle ère… le noocène. Le temps de l’apocalypse et de la révélation.
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Apocalypsenowcène
Le néologisme de noocène est l’œuvre du climatologue Claude Lorius. Dans son Voyage dans l’anthropocène, écrit avec le journaliste Laurent Carpentier en 2011, il décrit une forme de « postanthropocène ou apocalypsenowcène ». Même s’il faut entendre le mot apocalypse au sens de révélation, ça pose quand même le décor.
Attention à ne pas confondre le noocène avec le « novacène » de James Lovelock, un scientifique visionnaire, inventeur de « l’hypothèse Gaïa« . Pour lui, nous serions entrés dans l’ère des super-intelligences numériques. Une vision bien plus transhumaniste qu’écologique !
Derrière cette provocation de Lorius, se trouve un appel au sursaut : « serons-nous les gardiens de la Terre ou les spectateurs impuissants de notre toute-puissance ? », interroge-t-il
Bienvenue dans le noocène !
Mais, à y regarder de plus près, le noocène semble être un concept plus optimiste qu’il n’en a l’air. Étymologiquement, il signifie ère de l’esprit (noos en grec). Une ère espérée par le paléontologue jésuite Pierre Teilhard de Chardin, au début du XXè siècle.
Ainsi, alors que l’anthropocène est une « ère de la prédation humaine et du progrès incontrôlé », le noocène serait celle de l’entraide et de la « mutation des consciences ».
Le noocène serait-il donc une autre façon de nommer le monde d’après (le collapse). Le monde après la fin de ce monde ? Les promoteurs de cette vision écospirituelle (et assez millénariste et New Age) renvoient généralement au concept de metanoïa, forgé par Pierre-Eric Sutter et que l’on pourrait traduire par « prise de conscience globale » du lien entre l’homme et son environnement.
Certains diront qu’on est ici aux portes du « transitonnisme » et de « l’écologie profonde ». Une spiritualité écolo fondée par l’occultiste autrichien Rudolf Steiner dans les années 1900. Elle inspira aussi bien des théoriciens nazis que les baba-cools des seventies. Aujourd’hui encore, ses adeptes se réunissent dans un l’écovillage de la Fondation Findhorn, pour des ateliers de Travail Qui Relie (TQR), entre méditation, marche pieds nus, conversations sauvages avec son corps et mandalas.
Le nouvel idéal ?
Pour ma part, je vois la noocène comme un idéal. Un mode de vie où l’humanité cherche enfin à vivre en harmonie avec la nature, à s’y reconnecter.
Pour une raison que je ne m’explique pas (encore) la culture occidentale a toujours considéré les « amoureux de la nature » comme des poètes va-nu-pieds à la pensée hirsute. Des marginaux, idéalistes, simplets ou fous. Du Radagast de Tolkien, à David Thoreau, en passant par Haroun Tazieff, notre « civilisation des ingénieurs » jette sur eux un regard moqueur.
Mais je crois aussi que ce regard est en train de changer. Et de changer radicalement. Quand un data analyst plaque tout pour rejoindre une cabane en Lozère, où qu’un ingénieur diplômé de Polytechnique créer une coopérative low-tech… Certains ne voient qu’un phénomène marginal et sans impact. Au pire, d’un fantasme.
Moi, j’y vois un signal faible d’une sécession des élites intellectuelles… Et d’une révolution qui couve. De 1789 à 1968 en passant par 1917, la grande majorité des révolutionnaires sont des intellos, gosses de bourgeois. Quand les enfants de l’élite refusent de réussir, refusent de « parvenir », c’est qu’une révolution couve. J’espère qu’elle ne sera ni de salon, ni de sang.