Martin Colognoli, guardian du corail, secouriste des fonds marins

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Photographe, Martin Colognoli dirige l’association Coral Guardian depuis plusieurs années. La structure anime des programmes de préservation et de restauration du corail, en mer de Florès, en Indonésie, et au large de l’Espagne, au fond de la mer Méditerranée. L’idée : impliquer les pêcheurs et les plongeurs locaux. L’enjeu : sauvegarder, et sensibiliser. Les écosystèmes coralliens souffrent, en silence.

Une interview publiée dans la revue Le Zéphyr “Immensité, du plus profond des océans” (à découvrir ici).

Tous le corail ne disparaîtra pas, mais…

En ce début de l’année 2022, le photographe Martin Colognoli a publié, chez Hemeria, son premier livre, Corail. Un bel ouvrage visant à comprendre pourquoi nous avons tout intérêt à sauvegarder les coraux, très impactés par le changement climatique et nos habitudes de consommation. Il y a urgence, ils abritent plus de 20 % des espèces marines, dans le monde, et leur présence permet en particulier de protéger les littoraux des tempêtes.

Joint à plusieurs reprises par Le Zéphyr, Martin Colognoli tire la sonnette d’alarme : “On fonce droit dans le mur”, dit-il, presque résigné. Tout est fichu ? “Tous les coraux ne disparaîtront pas, ils arriveront à s’adapter à la hausse de la température moyenne de l’océan.” Et si, au niveau global, face au dérèglement climatique et aux émissions de gaz à effet de serre qui s’envolent, il semble assez “pessimiste”, au niveau local, le photographe et directeur de l’asso Coral Guardian apparaît un peu plus optimiste : “On peut mettre, et on arrive à mettre en place ici ou là des projets intéressants” pour restaurer l’écosystème corallien en mauvais état… Lui poursuit les opérations de protection, en essayant, toujours de faire connaître ce monde aussi merveilleux que méconnu et mystérieux, auquel il tient tant. Grâce à la photo, on y arrive. En ligne de mire : rendre visible… l’invisible.

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Entretien (propos recueillis pas Philippe Lesaffre)

L’association de préservation des écosystèmes coralliens que vous avez fondée, Coral Guardian, vient de fêter ses dix ans. Pourquoi vous étiez-vous lancé ? Et pourquoi l’envie de sauvegarder le corail ?

Martin Colognoli : La mer, de façon générale, j’ai toujours aimé. Les milieux aquatiques, en général, les rivières aussi. Je me suis spécialisé sur le corail dans mes études de biologie marine, et j’ai tout découvert d’abord en Espagne, notamment, et en Polynésie française. Et j’ai eu le déclic… C’est magnifique… Eaux cristallines, requins, petites espèces marines… J’ai eu envie d’en savoir plus, et je suis parti en Indonésie. 

Je suis parti travailler dans une entreprise d’export de poissons tropicaux et de coraux d’élevage pour le marché des aquariums. Je gérais une équipe qui s’occupait des poissons commandés aux pêcheurs. Il y avait beaucoup de destruction, c’était presque de l’exploitation, et les pêcheurs étaient aussi mal payés. 

C’est grâce à cette activité que j’ai vraiment été sensibilisé au corail. J’observais comment cela poussait, j’étais fasciné par ce vivant. J’ai fini par arrêter mon emploi, en 2010. Cela m’a donné envie de protéger l’écosystème corallien.

“L’idée : que les pêcheurs restaurent eux-même le corail…”

De quelle manière ? 

L’idée m’est venue d’impliquer les pêcheurs locaux dans la protection des coraux et des ressources de leur territoire. Le principe : qu’ils parviennent à gagner leur vie et qu’ils protègent et restaurent eux-mêmes les coraux. Pas la totalité, c’est impossible. Mais une partie du récif, et ce, dans un but de sensibilisation. Pour faire face au défi de l’urgence climatique, il faut en effet informer, expliquer notamment l’état de la planète. 

L’association voit le jour en 2012, et comment ça se passe, au début ?

Le premier programme a été un échec ; nous avons essayé de monter un projet avec les pêcheurs que je connaissais de par mon ancien emploi. Ils étaient volontaires, mais cela a échoué. Nous avons délimité une zone au sud de l’île de Bali (Serangan), or il y avait une nouvelle décharge dans les parages. Et puis est arrivée la saison de la pluie, et cela a abîmé la restauration des coraux qu’on avait entamée.

On apprend de ses erreurs. Il faut bien réfléchir au territoire et à son environnement… On échoue à nouveau, dans un deuxième lieu, cette fois sur une île, à côté de Bali, une zone très touristique. Cela aurait été un endroit parfait pour régénérer les récifs coralliens ; or, les pêcheurs n’avaient pas besoin de cette nouvelle activité de restauration, ils vivaient déjà bien du tourisme…

Et vous finissez par lancer un projet qui fonctionne encore aujourd’hui…

On a continué de chercher, de visiter des zones, notamment au niveau de l’île Flores, au sud de l’Indonésie, non loin du parc national de Komodo. La biodiversité y est très riche. On a rencontré le maire de Seraya Besar, il nous a soutenus et a trouvé notre initiative intéressante. C’est une commune de 700 habitants (à l’époque, en 2015, de 650) qui ne vit que de la pêche. Notre objectif : former des personnes pour qu’elles soient autonomes…

On a mis en place une barrière visuelle grâce à une ligne de bouées pour protéger une petite zone (1,2 hectare), dans laquelle les pêcheurs restaurent le corail pour le protéger et surtout sensibiliser. C’est une zone restreinte dans laquelle ils ont arrêté de pêcher.

Pêche à la bombe

Quel type de pêche pratiquent-ils ?

Une pêche à la ligne, pas destructrice, très ciblée, qui ne racle pas les sols. Auparavant, les pêcheurs utilisaient la dynamite pour pêcher, mais cela a été interdit. C’est assez violent : cela consiste à fabriquer une bombe artisanale, dans des bouteilles en verre, par exemple, qu’ils jettent dans l’eau, sur les récifs. Cela tue… Certains poissons arrivent à esquiver, mais, alors, ils sont sonnés. C’est également violent pour les personnes, car cela peut exploser dans les mains. Ils prennent le risque de perdre un membre… Quant au récif, cela le fragmente, le détruit ; cela crée du gravas, qui est posé dans le fond, et cela empêche les larves de coraux de recoloniser les lieux. Pour une raison simple : le gravas bouge… Bref, c’est une méthode catastrophique… Les pêcheurs l’utilisaient, car c’était aussi simple d’utilisation. Ils étaient bien conscients des dangers, mais ils racontaient ne pas avoir le choix…

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