De juillet à septembre 2020, Julie Auffray a parcouru les Pyrénées à pied. Sur le chemin de Grande Randonnée, elle a questionné les montagnard.es sur la façon dont ils et elles habitaient la Terre.
De cette expédition est née une série sonore, « La montagne conte », un podcast immersif qui traduit deux intentions : développer d’autres imaginaires de la montagne et questionner nos modes de vie par le prisme des expériences de vie montagnardes. Portrait d’une randonneuse à l’écoute des sommets.
Dans un contexte de crise écologique, sociale et politique, Julie, anciennement parisienne, s’est tournée vers les versants pyrénéens pour comprendre ce que la montagne nous dit, nous apprend, nous rappelle et nous inspire. À la capitale, elle avait déjà un pied dans les questions de transitions sociales et écologiques. Mais selon elle, la dynamique de transition prend son sens sur le terrain, là où l’on vit, travaille, s’organise et mange.
À la jonction entre un cheminement intellectuel et corporel, elle part en juillet 2020 de la côte atlantique dans l’idée de raconter la montagne autrement. En allant cueillir des témoignages de celles et ceux qui vivent le territoire au quotidien, Julie entend démystifier l’image d’Épinal que l’on associe aux hauteurs. Elle affirme « la montagne est un territoire de vie et pas seulement un terrain de jeu ».
L’intention est double. En s’intéressant aux territoires montagnards, qui sont, de par leurs caractéristiques, contraints par l’éloignement, le climat et le relief, Julie se prend à croire qu’il y a peut-être, là-bas, quelque chose qui a été préservé. L’hypothèse que ces derniers, en étant moins anthropisés et plus sauvages, influenceraient des modes de vie plus attentifs au vivant.
Attention, immersion immédiate
Quoi de mieux que le choix du son pour traduire l’intime ? En enregistrant les histoires qu’elle glane en chemin, Julie prend le contre-pied d’une société régie par la vitesse et la performance. Là-haut, elle donne une place au temps long, à l’immersion et aux émotions. Le son, en ne saturant pas l’esprit d’images, laisse place à l’imagination. Un parti pris aussi philosophique que pragmatique pour une expédition de 75 jours à la conquête des monts où le micro enregistreur s’avère aussi léger que pratique.
« C’est par le prisme de ces voix, de ces témoignages d’expériences montagnardes, que j’avais envie de porter des réflexions ou des questionnements qui dépassent très largement la montagne en elle-même. »
Des récits en reliefs
Il aura fallu trois mois à Julie pour préparer son expédition. Après la prise de contact, les lectures et les recherches, la randonneuse pour qui l’audio était jusqu’alors inconnu, a fait naître une création sonore nommé « La Montagne Conte ». Dans ce podcast, elle y mêle les récits montagnards recueillis avec sa propre narration. Aujourd’hui installée à Toulouse, elle propose des séances d’écoute de ses enregistrements pour échanger avec le public lors d’écoute-débat. Le GR terminé, son bâton de pèlerin reste inchangé : raconter la montagne en proposant de nouveaux imaginaires.
Quant à son propre cheminement, la nomade qui résidait en elle a su tirer leçon des rencontres en altitude. Désormais, s’ancrer dans un territoire n’est plus synonyme d’angoisse après avoir « vu le potentiel ancrage émotionnel que l’on peut développer en s’installant dans un endroit. C’est un lien amical, familial que les gens entretiennent avec l’espace, le non-humain ». En partant seule à l’assaut des estives, Julie déclare avoir expérimenté une grande reconnexion, en retrouvant ce lien à soi, à l’environnement et aux autres.
Pour la randonneuse à l’écoute des sommets, la montagne compte comme un espace où il nous est permis d’être vivant.es parmi le vivant. Pour elle, ce sont des lieux qui permettent de mettre les choses en perspective, à la fois en se recentrant et en se décentrant. De prendre de la hauteur.
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