Le solaire thermique, une solution low-tech par essence

Nettement supérieur à celui du photovoltaïque, le rendement du solaire thermique reste inconnu lorsqu’il est appliqué à la construction écologique. Dominique Fourtune, thermicien et énergéticien souhaite l’intégrer dans la conception et la réalisation des logements. Rencontre.

ETC – Parlez-nous de votre passion pour le solaire thermique

D.F – Le solaire est une énergie inépuisable et distribuée gratuitement à la surface de la terre. Je l’ai appris au cours de mon adolescence dans les années 1970, et cela m’a convaincu que son usage pouvait être essentiel pour les humains. Aucun opérateur public ou privé entre la ressource et l’utilisateur, aucune servitude, aucun comptage ! Il fallait donc s’en occuper, et j’ai fait une formation à l’énergie solaire à l’université de Perpignan en 1980. C’était l’époque des pionniers, surtout orientés solaire thermique (la chaleur) car, à l’époque, le photovoltaïque était une technologie extrêmement coûteuse et peu efficace, réservée aux applications spatiales ou militaires. J’ai donc compris à l’époque les principes physiques et technologiques pour récupérer et stocker le rayonnement solaire dans les bâtiments.

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ETC – Avez-vous pu mettre tout cela en pratique pour réaliser des études et des installations ?

D.F- Malheureusement non, car, à l’époque, l’essentiel des efforts français en matière d’énergie était pour le nucléaire, qui a reçu des aides publiques massives pour son développement, ce qui a asséché les aides pour le solaire et les autres énergies renouvelables. Pensez que, au tournant des années 2000, il n’existait en France qu’une dizaine de PME compétentes en bois-énergie et en solaire (et aucune en éolien). Pendant toutes ces années, j’ai tout de même réussi à travailler sur l’efficacité énergétique au sein d’une entreprise publique : l’ADEME. De ce poste, j’ai aussi pu suivre et aider au lancement de la filière photovoltaïque, notamment par l’électrification solaire des sites non raccordés au réseau électrique.

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ETC – En quarante ans, les choses ont beaucoup changé, et le solaire photovoltaïque est maintenant une solution mature, aux plans technique et économique. Pourquoi alors “revenir” au solaire thermique ?

D.F – Parce que c’est une solution “low-tech” par essence. En effet, autant le photovoltaïque nécessite des process industriels très complexes pour la fabrication des panneaux, autant la récupération et le stockage de la chaleur solaire peut se faire par des technologies simples.
D’abord le solaire “passif” qui permet à un bâtiment de récupérer la chaleur par les vitrages bien orientés et la garder dans ses parois avec l’inertie thermique. Exactement “low-tech” mais malheureusement le stockage dans les parois n’est pas très important et cela nécessite, sauf exception, un appoint par énergies conventionnelles (bois ou électricité en général).
Ensuite le solaire “actif”, dans lequel quasiment toute la chaîne de collecte depuis la transformation du rayonnement solaire en chaleur, puis son stockage, peut être faite avec des matériaux simples ou de récupération : capteurs solaires vitrés avec radiateurs acier plans peints en noir à l’intérieur, tuyauteries en acier avec raccords filetés, cuves de stockage récupérées chez un agriculteur, isolation du stockage par des matériaux biosourcés, etc. N’importe quelle personne ayant des bonnes compétences en plomberie peut réaliser une installation, et il y a beaucoup de créativité possible pour des acteurs motivés.

ETC – Technologies simples, certes, mais sont-elles efficaces ?

D.F – Il faut d’abord dire que l’utilisation du solaire thermique est très peu répandue dans la construction écologique, alors qu’il pourrait être très intéressant. Cela signifie qu’il faut deux fois moins de surface de capteurs thermiques pour une même quantité d’énergie récupérée. Certes, ce n’est pas de l’électricité, et on ne peut pas alimenter un éclairage avec du solaire thermique (rires), mais n’oublions pas que l’essentiel de l’énergie consommée dans un logement est de la chaleur. Une bonne approche, selon moi, est de mixer les deux en proportion : solaire thermique pour la chaleur (chauffage et eau chaude) et solaire photovoltaïque pour l’électricité spécifique (éclairage, froid, multimédia).
Ensuite, il faut dire qu’il existe des installations qui prouvent que la chaleur solaire peut être quasiment suffisante (pas ou très peu d’appoint) pour un chauffage toute l’année. Au Canada, en Suisse allemande et même en France ! Vous trouverez ces références sur mon article de blog personnel. Oui, cela marche (mais quasiment personne ne le sait).

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ETC – Quel est donc ce projet que vous nous proposez aujourd’hui ?

D.F – Depuis quelques années, je m’intéresse à la construction écologique, aux maisons en bois, aux matériaux biosourcés, etc. Toutes les réalisations que j’ai vues utilisent soit l’électricité, soit le bois-énergie pour le chauffage. Le solaire thermique est quasiment inconnu. Je voudrais aider cette filière de construction écologique à mieux intégrer le solaire thermique dans la conception et la réalisation des logements. Il y a là un gros potentiel pour les auto-éco-constructeurs, et pourquoi pas pour préparer, dans un esprit “low-tech”, une filière professionnelle.
Lors de mon activité à l’ADEME, j’ai fait de la recherche-développement. J’ai donc pu concevoir un projet de recherche appliquée pour mieux préparer la conception et la réalisation de ces installations. Par exemple, j’ai inventé le “PV-siphon” : quand on ne peut pas utiliser le thermosiphon, qui est la solution “low-tech” par excellence, comment alimenter la pompe du circuit primaire solaire ? Une solution pourrait être d’alimenter en électricité cette pompe avec un capteur photovoltaïque. On aurait ainsi une pompe qui tourne exactement en même temps que l’apport solaire, sans aucune régulation ni aucune autre alimentation électrique. Ce système parfait n’existe pas à ma connaissance, il faut donc un travail d’ingénierie pour le réaliser.

ETC – Quels partenaires espérez-vous ?

D.F – L’idéal serait pour moi de trouver une équipe de jeunes ingénieur.e.s indépendants (de type bureau d’études lié à un laboratoire de recherche) qui auraient compris tout l’intérêt du solaire thermique. Je pourrais cadrer et orienter ce travail, afin de développer des méthodes de conception et de réalisation pour ces installations, dans un esprit “low-tech”. Transmettre ces idées à la jeune génération, qui a impérativement besoin de préparer son avenir soutenable, est le grand espoir de ma nouvelle vie de retraité.

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