« L’autonomie oui, mais cohérente », prône Barnabé Chaillot

@Marie Doucedame

« Bien avant de devoir produire de l’électricité ou même d’en stocker, il faut moins en consommer ». Barnabé Chaillot, à travers son expérience, nous dévoile comment passer du rêve à la réalité en matière d’autonomie électrique.

Note
De nombreux détails techniques que je ne peux aborder ici (faute de place) sont développés dans les tutos que je publie sur le Net.

Lire aussi : Fabriquez votre batterie lithium maison avec Barnabé Chaillot

Deux chemins mènent à l’autonomie. Le plus connu, compliqué, coûteux, mais dont on vante les mérites, est celui de devenir producteur. Le second, très peu plébiscité, souvent gratuit et plus simple à mettre en place, consiste à moins consommer.

On nous rabâche sans cesse (avec les pubs) que l’énergie est rare (ce qui n’est pas vrai) et que nous devrions l’économiser (ce que nous ne faisons surtout pas, c’est le privilège d’être riche).

Le but (à mes yeux) étant que nous trouvions naturel que l’énergie se vende toujours plus cher. Et la propagande fonctionne à merveille (hormis pour les porteurs de gilets fluos).

Mais depuis que je sais que le soleil irradie annuellement les 100m² de toiture de notre maison (proche de Grenoble) avec 100.000kWh d’énergie solaire1 , soit 10 fois plus que ce que notre famille consomme annuellement2 , je suis parti en quête d’autonomie énergétique et électrique.

Même si j’ai rénové notre maison à 100% il y a 10 ans, la rendre autonome va être très difficile. Pourquoi ? Parce qu’elle n’a pas été conçue pour être autonome.

C’est comme si je voulais que ma voiture, qui roule sur la route, se mette à voler dans les airs. Rien n’est impossible, mais si je l’avais prévu dès le départ, cela aurait été beaucoup plus facile.

Par chance, il y a 10 ans, j’ai eu quelques réflexes qui m’ont permis de me lancer sur cette voie de la décroissance énergétique :

  1. J’ai bien isolé la maison : 22cm de laine de bois en sous-toiture, 12cm sur les murs, et 7cm de liège au sol.
  2. Dans toutes les dalles en béton de la maison, j’ai noyé 300 mètres linéaires de tuyau plastique PE en zones indépendantes, dans lesquelles je peux faire circuler de l’eau chaude ou froide selon mes envies.
  3. La maison est équipée d’une VMC double flux : l’air humide et chaud que j’extrais de la maison croise l’air froid qui y rentre, il y a un transfert de chaleur. Grâce à ce système, l’air chaud sort froid et l’air froid rentre chaud dans la maison (voir dessin ci-dessous).
La maison de Barnabé
@Marie Doucedame

Je transforme ma maison petit à petit

Bien avant de devoir produire de l’électricité ou même d’en stocker, il faut moins en consommer, et avant de parler de restriction, j’ai commencé par limiter les gaspillages.

Déjà fait

  • J’ai isolé mon chauffe-eau électrique de 200l avec 10cm de laine de verre + un film aluminisé. Avant cette isolation, j’ai mesuré une déperdition de 1,7kWh d’énergie quotidiennement ; aujourd’hui, je n’en perds plus que 0,8kWh soit une économie de presque 10%, +/- 300kWh/an3 .
  • Une véranda auto-construite côté ouest fait écran aux vents d’hiver et chauffe la maison les journées ensoleillées.
  • Sachant que l’eau chaude sanitaire représente la moitié de notre consommation d’énergie (hors chauffage), j’ai rendu difficile l’utilisation de la baignoire et divisé par trois tous les débits des robinets d’eau chaude.
  • Il y a un an, j’ai installé sur mon garage un kit photovoltaïque4 de 1.500W, acheté 600€ sur Le Bon Coin. Il a produit 1.700kWh en une année, réduisant ainsi notre facture d’un tiers grâce à un programmateur DIY5 qui envoie dans mon chauffe-eau tout l’excédent photovoltaïque.

En cours

  • J’ai installé sur le toit du poulailler des panneaux solaires thermiques (serpentin de cuivre exposé au soleil) que l’on m’a donnés (12m², c’est beaucoup) pour chauffer, entre autres, les sols de la maison. Ils seront connectés dès cet automne à une cuve isolée dans la cave de 1.000l d’eau morte (qui ne bougera pas).
    Je mettrai trois serpentins dans cette cuve. Le premier proviendra des panneaux solaires thermiques, le deuxième communiquera avec le chauffage au sol, le troisième serpentin préchauffera l’eau chaude sanitaire.

À faire

  • J’aimerais installer sur notre poêle à bois une prise d’air extérieur. Car il est ridicule à mes yeux de faire sortir de l’air chaud (200°C par les fumées) et de faire rentrer de l’air extérieur froid (nécessaire au tirage) qui, par sa densité, va rester au sol et refroidir ma dalle.

Mon objectif à court terme (un ou deux ans) est de diviser par trois ou quatre nos achats d’énergie totale. Ne devoir acheter en moyenne que 3kWh par jour serait mon rêve. Ainsi, nous posséderions une vieille maison de 200 ans en pisé (argile crue) qui dépasserait largement les critères BBC (basse consommation d’énergie), qui sont de 50kWh/m2.

Quand nous en serons là, et seulement là, nous pourrons alors réfléchir à stocker cette énergie dans des batteries pour devenir 100% autonomes.

Pour atteindre cet objectif, il nous faudra certainement changer de réfrigérateur et renoncer à notre congélateur (qui stocke une grosse partie des trésors de notre jardin) : séchage, stérilisation et lactofermentation seront les alternatives. Il faudra aussi que chaque membre du foyer devienne un guerrier des énergies inutiles (veilleuses en tout genre…), ce qui n’est pas complètement le cas.

Qui connaît la consommation d’électricité journalière de son foyer ?

La première chose à faire quand on veut être autonome en énergie, c’est de connaître ce que l’on consomme. Relever son compteur de manière journalière, ou plus facilement avec les applications Internet des compteurs communicants pour percevoir le moindre effort ou relâche, est la première étape indispensable.

Personnellement, notre famille consommait, avant que nous commencions cette démarche d’autonomie d’énergie, +/- 10kWh par jour, hors cuisine (gaz) et chauffage régulier (bois).

La vraie autonomie électrique c’est de ne pas avoir besoin d’électricité, mais…

Cela ne m’empêche pas de travailler dur sur des systèmes complètement autonomes, peu coûteux, facilement reproductibles et destinés à des petites maisons conçues dès le départ pour être peu gourmandes en électricité.

Ces tutos sur l’autonomie électrique n’incluent pas, comme je l’ai évoqué précédemment, le chauffage avec des résistances, ni même tout appareil électrique produisant de l’eau chaude (dans un premier temps), car 1.000W sur batterie 12V, c’est beaucoup ! Mais ils n’excluent pas la circulation de flux chaud ou froid avec des pompes (seulement 50W) dans des panneaux extérieurs en fonction des opportunités et des besoins.

J’aime dans cette démarche le fait de devoir redéfinir nos besoins essentiels comme si nous le faisions après un effondrement.

Voici, selon moi, par ordre de nécessité, quelques besoins sympas et leur consommation journalière, avec la possibilité d’en utiliser moins les jours pluvieux et beaucoup plus quand il fait beau :

  • 5 ampoules de 2W chacune pendant 4h = 40Wh/j (pour une utilisation nocturne)
  • 2 téléphones portables 2A-5V chargés en 2h = 40Wh/j (possiblement en journée)
  • 1 ordinateur portable 2A-19V (+/-50W) pendant 2h = 100Wh/j (chargeable aussi en journée)
  • Un réfrigérateur 12V de 30 litres = +/- 250Wh/j (qui fonctionnera aussi en journée)

Avec des besoins journaliers de +/- 500Wh, nous parlons ici de consommation et pas de stockage, car pendant 330 jours par an minimum, il y a assez de luminosité pour que des panneaux solaires photovoltaïques produisent une partie de l’électricité directement sans qu’il soit nécessaire de la stocker pour un usage nocturne. Compter pour l’exemple ci-dessus une consommation nocturne de +/- 250Wh/j.

Quelle quantité d’électricité stocker ? Pourquoi ne pas stocker seulement 500Wh, soit deux jours d’autonomie ?
Pour compenser ce faible stockage, et étant donné le prix des panneaux solaires photovoltaïques (100€ TTC le panneau chinois de 270W) je préconise d’en prendre 4. Les 1.080W ainsi installés pourront charger complètement les batteries vides en une heure bien ensoleillée seulement, ou en quelques heures avec nuages, ou en une journée complète quand c’est très nuageux.

Quelle quantité d’énergie consomme le chauffage d’une maison ?

La moitié de la consommation énergétique d’un foyer, c’est le chauffage. Cette proportion peut varier grandement en fonction de l’efficacité du système de chauffage (le pire rendement énergétique étant la cheminée à bois et le meilleur, la pompe à chaleur).

La taille de l’habitat et l’isolation comptent énormément ; ainsi, il est très facile de chauffer une tiny house bien pensée de 20m² et presque « mission impossible » pour un manoir de 200m² dans son jus.

Même différence entre une maison qui utilise une VMC (Ventilation Mécanique Continue) classique (car elle extrait en permanence l’air intérieur que l’on chauffe), et une VMC double flux (voir dessin précédent).

Pour les jours de brouillard épais et tenace : prévoir un groupe électrogène (le plus petit possible) de 750W à faire tourner une heure chaque jour (sauf pour le frigo qui sera en contact avec l’extérieur plutôt frais). Trente jours de brouillard par an = +/- 30 litres d’essence pour les accros à l’électricité.

Pour les belles journées ensoleillées : avec un tel système, pourquoi ne pas envisager une consommation accrue quand les batteries sont pleines avant midi : faire de l’eau chaude grâce à un circulateur avec un chauffage solaire, lancer une machine à laver 12V, charger un vélo électrique ou des accus de visseuse ou autre.

Et quand on ne sait plus quoi faire de l’électricité produite, pourquoi ne pas lancer un moulin à céréales et en dernier recours, chauffer ou même tiédir une cinquantaine de litres d’eau avec une simple résistance adaptée 12V ? Ça a l’air trop beau pour être possible…

J’ai déjà réussi pour rigoler à moudre du maïs pour de la polenta avec un panneau solaire de 1/2m², un moteur d’essuie-glace de voiture et un vieux moulin à café6 !

L’autonomie, oui, mais cohérente

Vouloir stocker 10 ou 20kWh d’énergie pour pouvoir laisser, entre autres, une box internet allumée quand on ne s’en sert pas, n’est pas à mes yeux une démarche cohérente d’autonomie.

Compenser un besoin futile par un stockage n’est qu’une autonomie relative. Pouvoir se passer momentanément de certains besoins, c’est ça, l’autonomie cohérente.

Combien coûte l’autonomie ?

Pour 150€ de matériel (voir vidéo7), j’ai aidé des amis à installer l’autonomie électrique d’une yourte, permettant d’allumer quatre ampoules, charger deux téléphones et un ordinateur portable et, petit bonus, alimenter une glacière en été.

Pour 1.500€, c’est le grand luxe !
On peut avoir quatre panneaux de 250W + des régulateurs électroniques en bluetooth + des abaisseurs ou réhausseurs de tension en tout genre + 1,5kWh de stockage neuf au lithium.
(Par contre, j’ai du mal à faire la promotion du lithium comme solution sans penser à l’impact qu’ont sur la nature, tant à la fabrication qu’au recyclage, ces accus nouvelle génération. Comme quoi autonomie et écologie ne sont pas forcément liées).

Batteries de voiture HS ou pas ?

Les batteries de voiture récupérées chez un ferrailleur ou un mécanicien, qui sont incapables de faire démarrer une voiture, ne peuvent plus stocker et délivrer les 100A nécessaires mais peuvent pour la plupart allumer des ampoules LED 12V pendant des heures.

Neuve, une batterie plomb de voiture 12V-70A peut stocker au maximum 740Wh, mais il est recommandé de n’utiliser que 30% de cette capacité si l’on ne veut pas voir sa durée de vie diminuée drastiquement. Donc compter 250Wh par batterie neuve, et possiblement 100Wh pour des batteries en fin de vie (testé en vidéo)8.

Durée de vie du matériel

Après avoir été garantis 20 ans à 80% de rendement, les panneaux solaires commencent à offrir une garantie de 30 ans. Les piles et accus semblent pouvoir faire environ 3.000 cycles de charge et décharge (10 ans), si ces étapes sont bien faites (50% de décharge maximum pour le lithium ou des batteries plomb spécial solaire), et peuvent être poussés à 6.000 cycles pour le lithium avec des décharges à 30% seulement.

Pour l’électronique ? C’est exactement comme les voitures : parfois tout va bien, et parfois ça clignote de partout sans que l’on sache quoi faire. Étant donné qu’on achète des voitures, pourquoi ne pas acheter de l’électronique destinée à la gestion de l’électricité solaire ?

Recyclage ?

La moitié de toutes mes installations proviennent de la récup.
J’ai récupéré il y a peu des panneaux solaires qui avaient au moins 10 ans de toiture, et ils fonctionnent encore très bien pour leur prix (25€ les 200W).

Du coup, j’en ai profité pour refaire le toit des lapins. En plus des batteries plomb de voiture chez mon ferrailleur à 1€ le kg8, j’ai récupéré des batteries usagées d’ordinateur portable au lithium pour en faire une grosse batterie (500Wh) qui sert actuellement pour mon vélo électrique9 .

Il y a Noël : journée internationale du gaspillage tous secteurs confondus (nourriture, boisson, emballage, cadeau d’une heure… « Oups ! je me suis emballé… »). Il y a la journée de la femme, la journée des amoureux, la journée sans tabac…

Je rêve d’une journée nationale sans électricité… Même s’il risque d’y avoir foule à la maternité neuf mois plus tard…
Car n’oublions pas, il y a 100 ans, en 1920, l’électrification de nos campagnes débutait tout juste en France.

L’électricité est un progrès ? Pourquoi pas, mais juste avant son arrivée, nous ne vivions pas dans des cavernes.

Mon prochain objectif après celui de notre foyer : retaper un cabanon sans accès ni à l’eau ni à l’électricité, lui donner tout le confort possible en restant 100% autonome et le faire tester sur un week-end ou plus à ceux qui seraient curieux d’expérimenter l’autonomie et la sobriété énergétique. À suivre…

1 Le soleil irradie la terre avec +/- 1.000 joules chaque seconde (Watt) par mètre carré. En moyenne, notre maison reçoit l’équivalent de 1.000 heures d’ensoleillement optimum par an. Comme la toiture fait 100m², il tombe donc sur notre maison annuellement (1.000W x 3.600 secondes que divise 3.600 pour avoir des Wh que multiplie le temps (1.000h) que multiplie la surface (100m²) = 100.000kWh d’énergie solaire sur notre toiture.
2 Notre facture d’électricité est de 4.000kWh par an + deux bouteilles de 13kg de gaz pour la cuisine (360kWh) + 1.500kg de bois pour le chauffage à 4kWh d’énergie par kg, soit 6.000kWh d’énergie bois. Au total, notre foyer consomme +/- 10.000kWh toutes énergies confondues (hors transport) par an.
3 Vidéo avec mesure des pertes énergétiques de mon chauffe-eau intitulée « Tout sur l’autoconsommation photovoltaïque #5 » à 7 minutes 30 secondes.
4 Installation DIY d’un kit photovoltaïque sur réseau pour autoconsommation : vidéo intitulée « Ep31 : Produire et partager son électricité pendant 20 ans ».
5 La série des vidéos « Autoconsommation solaire » de #1 à #5 explique pas à pas comment injecter dans son chauffe-eau l’excédent d’électricité produite qui ne peut être consommée en journée faute d’usage.
6 Voir la vidéo intitulée « Ep26 : POLENTA pour bricoleur autonome survivaliste. Version courte »
7 Voir la vidéo « Transition énergétique d’une yourte : Épisode 20 ».
8 Les batteries achetées, 1€ le kg, sont reprises quand elles sont mortes à 0,5€ le kg. Voir vidéo « Ep19 : Transition énergétique d’un enfant vol. 2 ».
9 Voir la vidéo intitulée « Vélo électrique solaire, transport gratuit ».

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