Alors que les effets du changement climatique sont de plus en plus couverts par les médias et n’ont jamais été aussi frappants pour les populations, le climatoscepticisme se renforce au gré de l’actualité climatique.
À la question « Diriez-vous que nous sommes en train de vivre un changement climatique dû à l’activité humaine ? » , 43 % des français.es vous répondraient que non, selon un sondage mené par Ipsos et le Cevipof en 2023. Alors que pour 18 % d’entre eux, le changement climatique est principalement dû à un phénomène naturel, 11 % affirment que nous ne vivons pas de changement climatique. Ces derniers chiffres, en hausse depuis 2022, se dressent contre un constat pourtant « sans équivoque » selon le dernier rapport du GIEC.
Quand les climatosceptiques sèment le doute
En liant « climat » et « scepticisme », le terme climatoscepticisme donne l’impression d’une posture philosophique vertueuse, critique et informée. Paré de discours, de codes, de représentations et de récit, le climatoscepticisme prospère. C’est précisément en cela qu’il est si dangereux : du point de vue linguistique, narratif et sémantique, il utilise des ressorts efficaces, qui ont pour objectif d’insinuer le doute (a minima) ou l’inaction (a maxima). Mais comme le rappelle le philosophe Gilles Barroux, il s’agit ici bien moins de scepticisme que de déni, voire de cécité absolue vis-à-vis de faits scientifiques et de leurs conséquences.
Concrètement, les sphères climatosceptiques sèment le doute en remettant en question la véracité des travaux du GIEC, en mettant en exergue les variations du climat à l’échelle du temps géologique ou encore en expliquant que toute action mise en œuvre pour lutter contre le changement climatique relèverait en fait de l’autoritarisme liberticide.
Mais que cachent les discours climatosceptiques ? Outre les intérêts économiques, on retrouve également la préservation d’un ordre social et de systèmes de domination spécifiques : domination de l’Homme sur ce qu’on appelle la « Nature » mais aussi domination de certaines communautés – notamment des populations indigènes – plus vulnérables au changement climatique, tout en représentant également les populations les plus aptes à proposer des innovations pour contrer ses impacts.
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Climatoscepticisme dans l’arène politique
Au sein du jeu politique, les recherches ont montré à quel point le climatoscepticisme restait efficace pour retarder l’action politique. En diffusant leurs discours, un certain nombre d’acteurs climatosceptiques font hésiter les décideurs qui doutent quant aux solutions ou alternatives à mettre en place.
La France n’échappe pas à cette dynamique : entre l’accueil de Greta Thunberg à l’Assemblée nationale ou encore les incursions de divers acteurs climatosceptiques (se désignant eux-mêmes comme climatoréalistes ou climatorassuristes), le paysage médiatique, politique et citoyen se retrouve régulièrement troublé par ce type de discours.
Aujourd’hui encore, des scientifiques du GIEC comme Jean Jouzel ou Valérie Masson-Delmotte, qui se sont engagés pour étayer de manière pédagogique les travaux collectifs dans l’espace médiatique, se sont retrouvés la cible de critiques, notamment sur la véracité des données traitées, ou la raison d’être financière du groupement scientifique mondial. Cela est notamment régulièrement le cas sur les réseaux sociaux, comme le montrent les travaux de David Chavalarias.
Loin d’être dépassé ou cantonné à des sphères complotistes, le climatoscepticisme talonne de près une campagne électorale marquée par le recul de l’ambition écologique.