Inde, the end ? Enquête sur l’effondrement du géant indien.

L’Inde est prise en étau au cœur d’une triple crise économique, environnementale et démocratique. Portrait d’un géant au bord de l’effondrement.

Tout commence par un krach économique et financier. En Inde, il débute en 2016, avec l’écroulement de la croissance – passée de 8 % en 2015 à 4 % en 2019 – et l’explosion du déficit public.

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Depuis, ni le gouvernement, ni la Banque Centrale ne parviennent à enrayer la pénurie de liquidités financières. En clair : les banques n’ont presque plus de cash et l’ensemble du système financier risque de caler.

Conséquences : le marché noir a pris le relais. Selon certains analystes, 9 indiens sur 10 bossent au black : taxi, livreur, BTP, femme de ménage, ouvrier textile… presque tout le monde dépend du marché noir.

Exode urbain

Problème : en décrétant le confinement le plus brutal et punitif de la planète (avec 4 petites heures de préavis pour 1,3 milliards de gens), le gouvernement a privé de leur gagne-pain des centaines de millions de travailleurs précaires.

Abandonnés sans ressource, la plupart a désespérément tenté de rejoindre leur famille, dans de lointaines provinces rurales.

Dans un vent de panique, ils se sont agglutinés dans les gares, ou ont pris la route à pied. Un exode urbain historique, d’une ampleur comparable à celle qui avait suivi la séparation d’avec le Pakistan en 1947.

Sur le chemin, des dizaines de personnes trouveront la mort, ou seront violentées par les polices locales.

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Le spectre de l’hyperinflation

Comme souvent lorsqu’une crise s’abat sur une économie fragile, on assiste à un phénomène de hausse des prix des produits de première nécessité.

Comme au Liban (lire ici notre analyse du collapse libanais), l’effondrement de la monnaie nationale – La Roupie – par rapport au dollar, à fait gonfler le prix du pétrole importé.

Conséquence : le bidon d’essence est devenu le nouveau cadeau de mariage trendy à Delhi !

L’anecdote serait presque amusante, si elle ne détournait pas l’attention du public sur la hausse constante des suicides d’agriculteurs surendettés. La situation est aussi catastrophique du côté des sociétés de transport, dont les factures ont grimpé de 50 % en quelques mois. Une inflation galopante qui ne risque pas d’être jugulée par la politique gouvernementale… d’augmentation des taxes sur l’essence !

Des villes « chambres à gaz »

Mais il y a bien plus catastrophique que l’hyperinflation. Un indice : c’est en lien avec l’eau, l’air, la vie.

Depuis 2015, chaque été, des vagues de chaleur mortelles causent plusieurs milliers de morts dans certaines villes. En juin 2019, dans le Nord du pays, 50 personnes ont péri en une seule journée à l’issue d’une semaine de l’horreur où le thermomètre a stagné entre 45 et 50 *C.

50 degrés à l'ombre en Inde

Pire encore : chaque hiver, la capitale indienne (22 millions d’habitants) est menacée par un brouillard tueur 70 fois plus chargé en particules fines PM 2,5 que l’air de Paris (469 mag/m3 contre 6 en France) !

New Delhi se transforme alors en « chambre à gaz« , comme on dit là-bas… Un fog irrespirable, provoqué par la conjonction de facteurs naturels (vents froids) et industriels (brûlis agricoles, émissions des autos, chauffage). Face à ce phénomène d’une violence inouïe, le gouvernement local se contente de fermer les écoles et recommande de… manger des carottes.

Puis, quand des associations se démènent pour planter des forêts en ville contre la pollution… le maire de Delhi prévoit d’abattre 17 000 arbres pour construire une cité administrative !

Mais pourquoi des carottes !? Car ce légume aide le corps à obtenir la vitamine A, du potassium et des antioxydants, lui permettant de lutter efficacement contre la difficulté à voir dans le brouillard (l’héméralopie) ainsi que d’autres effets de la pollution. 

600 000 assoiffés

Dans l’Inde rurale, ce n’est pas l’air mais l’eau qui vient à manquer. De plus en plus de villages se font livrer de l’eau par camion citerne, à des prix délirants. « Avant, explique le biologiste Siddhart Agarwal aux reporters du National Geographic, l’eau de pluie était suffisante pour satisfaire la demande« .

Mais aujourd’hui, avec l’agriculture intensive et la hausse de la population, ce sont des milliers de puits qui criblent le sol de trous de foreuse où sont placées des pompes, venues puiser en profondeur dans les nappes phréatiques. Une eau devenue inaccessible et désormais chargée en minéraux dangereux comme le fluorure et l’arsenic.

Actuellement, plus de 9 régions du pays (soit 600 000 personnes) font face à cette crise de l’eau. D’ici 2022, plus de 20 villes, dont New Delhi et Bangalore, auront épuisé leur nappe phréatique !  Cette fois, ce sont 600 millions de personnes qui sont menacées ! Une crise qui donne des idées aux cartels, qui ont organisé une véritable mafia de l’eau. Nous sommes en plein dans le scénario du James Bond « Quantum of Solace« .

D’ailleurs, dans le Penjab, le grenier du pays, les agriculteurs lancent l’alerte : le niveau des nappes a chuté de 30 mètres ces 25 dernières années.

Face à ces menaces, le gouvernement envisage de construire de nouveaux super-barrages, alors que l’Inde en compte déjà plus de 5.000 et n’a plus vraiment les moyens de tous les entretenir !

L’Etat autoritaire, dernier rempart face à l’effondrement ?

La question est polémique, mais on assume !

Selon le journaliste Olivier Da Lage, spécialiste de l’Inde interrogé par l’IRIS, le régime autoritaire instauré par Narendra Modi est plébiscité par une bonne partie de la population qui « estime que trop de démocratie a entraîné l’anarchie et que d’avoir un dirigeant à poigne (…) c’est bon pour le pays. »

Néanmoins, il est peu probable que Modi n’étouffe, à lui seul, la possible guerre civile entre Hindous et Musulmans… que sa politique attise !

La preuve : en février 2020, des émeutes intercommunautaires ont embrasé New Delhi dans l’indifférence des forces de l’ordre. En 3 jours, 38 personnes ont ainsi été lynchées. Un pogrom anti-musulman sur lequel le régime a volontairement fermé les yeux, avant de faire intervenir la police.

Un pays en révolte

Depuis le début de l’année 2021, des révoltes populaires embrasent le pays. Elles sont même devenues le plus grand mouvement social de l’histoire de l’humanité contre le néolibéralisme.

Qu’en sera-t-il le jour où ça va chier dans le ventilo ?

Mise à jour : depuis octobre 2021, Delhi (deuxième plus grande ville indienne) est menacée par un black-out. Ses centrales à charbon n’ont plus de combustible. Le problème vient de leurs fournisseurs chinois, dont les mines de charbon ont été inondées par la mousson…

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