La simplicité volontaire, vue depuis la station Deep Space 9 de Star Trek.

hand of spock

En présentant les partisans de la simplicité volontaire et low-tech comme une communauté sectaire… mais heureuse, un épisode de Star Trek nous en dit long sur le regard que portent la plupart des gens sur les collapsos et autres promoteurs d’une vie frugale et autonome.

Pour ceux qui ne connaîtraient pas Star Trek DS9 (ce qui est, disons-le, inadmissible), voici un petit topo sur cette série culte des années 90. Nous sommes au 24ème siècle sur la station spatiale Deep Space Nine en orbite autour de la planète Bajor, tout près d’un vortex permettant de voyager entre le Quadrant Alpha et le Quadrant Gamma. Le commandant de la station, Benjamin Sisko, a pour mission de maintenir la paix dans la région et d’explorer les environs.

Cet article est issu de notre hors-série gratuit “APOCOLLAPSE NOW, effondrement et pop culture“, à télécharger ici.

Paradise

Ce n’est pas la première fois que la « simplicité rurale » apparaît dans l’univers Star Trek. La question avait déjà été abordée dans la série originale (S3E3), dans un épisode intitulé « The Paradise Syndrome » (traduit par Illusion en Français). L’histoire : Kirk, débarque sur une planète habitée par un peuple primitif… qui le prend pour un dieu. Bon, ok. Il faudra donc attendre la série Deep Space 9 pour que de vraies questions de fond soient abordées.

Mais, tout d’abord, voici le pitch de l’épisode qui nous intéresse, intitulé « Paradise » (S2E15).

Lors d’une mission de reconnaissance, Sisko et son ingénieur en chef, O’Brien, se trouvent coincés sur une planète : un champ électromagnétique les prive de toute technologie. Ils tombent alors sur une colonie humaine, bloquée là depuis 10 ans, sans moyen de repartir. Ces colons, qui ont abandonné toute forme de technologie, semblent vivre heureux.

On découvrira vite que leur gourou, Alixus, est une écolo-radicale anti-technologie : « nous sommes devenus gros et paresseux », écrit-elle dans son journal intime. Une vraie anar on vous dit !

« Nous nous sommes plutôt bien débrouillés sans nos tricordeurs, nos convertisseurs EM et nos liaisons de communication, n’est-ce pas ? Après tout, le corps humain est un outil puissant. Nous pouvons labourer les récoltes, récolter les champs, construire les murs qui nous protègent, tisser les vêtements dont nous avons besoin pour rester au chaud. D’une certaine manière, nous avons redécouvert ce dont l’homme est capable sans technologie. » ALIXUS

Tous égaux ?

Sisko et elle entrent instantanément en conflit : l’un défend la modernité, l’autre la simplicité volontaire. Bon, on peut reprocher à Alixus d’être un peu bornée : la modernité a ses défauts, mais aussi ses bonnes choses. Il serait par exemple absurde de revenir à la médecine du temps de Molière ou au vélocipède des années 1850 !

Les esprits s’échauffent. D’abord, Alixius demande à O’Brien et Sisko d’abandonner leurs uniformes pour des tenues de fermiers. Les deux hommes refusent.

Cette façon de leur demander de se départir de leur statut d’officier de Starfleet, pour devenir de simples « contributeurs de la colonie » est intéressante. Elle soulève le fond « anar » et égalitariste qui sous-tend de nombreux projets collapsos.

D’ailleurs, dans leur « Petit manuel de collapsologie à l’usage des générations présentes », Pablo Servigne et Raphaël Stevens consacrent un chapitre entier à l’affirmation : « Pourquoi l’égalité est meilleure pour tous ».

Alors, faut-il nous délester de nos titres, de nos fonctions et de nos statuts, pour mieux nous mettre au service de l’autre ? Notre égo aura-t-il encore sa place dans une communauté autonome ? Mais alors, qui décidera ? Un « conseil des sages », une assemblée populaire, ou une « mère nourricière » comme Alixus ? Un personnage que le réalisateur Corey Allen et l’actrice Gail Strickland ont voulu « le plus humain possible, parce que ses motivations sont justes » apprend-t-on dans The Star Trek : Deep Space Nine Companion (le manuel de la série… uniquement destiné à la crème des fans).

Lire aussi : Bulles et collapsologie : notre bédéthèque idéale

Et la mort… on en parle ?

Un peu plus tard, l’opposition entre Alixus et le commandeur Sisko éclate au grand jour, lorsqu’un colon meurt d’une maladie qu’un docteur de Starfleet aurait pu soigner d’un zap.

Se pose alors la question que toute personne qui aspire à « sortir du système » devra un jour se poser : celle de son rapport à la mort. Une mort que notre civilisation contemporaine s’évertue à cacher derrière des crèmes, des mots (senior, silver…) et des EHPAD. Une mort qui est revenue sur le devant de la scène – des écrans – lors de la crise du COVID-19.

Car, oui, vivre en autonomie totale, ce sera aussi vivre hors d’un système où le SAMU se ramènera à toute berzingue si vous faites un AVC.

“Nous avons vaincu 17 maladies avec le remède le plus puissant qui soit. L’ingéniosité de  l’homme.” ALIXUS

Quel système judiciaire… quand il n’y a plus de système ?

Second conflit de valeurs entre les gars de Starfleet et la gourou utopiste : le système judiciaire primaire qu’elle inflige à ses ouailles. La peine est toujours la même : une journée dans une caisse d’un mètre cube, sous le cagnard et sans eau.

Et vous, si vous étiez chef.taine d’une communauté résiliente perdue dans le Larzac, quel système pénal adopteriez-vous ? Comment éviteriez-vous de tomber dans des traitement proches de la torture ?

« La première chose que cette communauté a acceptée était la nécessité d’établir des règles de conduite. Nous tous, y compris Stephan, avons approuvé cette forme de punition comme nécessaire et équitable. » ALIXUS

La frugalité « heureuse »… impossible ?

À en croire les forums, la fin de cet épisode semble avoir profondément choqué les trekkies. Car, contre toute attente, les colons décident de rester dans leur patelin low-tech.

Alors que Joseph (le mari d’Alixus) se voit proposé de repartir à bord d’un runabout (un vaisseau spatial), il réplique : « C’est notre maison. Alixus (…) nous a donné notre communauté.(…) Nous devrons décider si nous voulons établir un contact avec le monde extérieur. Mais Alixus a raison: nous avons trouvé ici quelque chose qu’aucun de nous n’est prêt à abandonner. »

Une décision apparemment impensable pour les forumeurs nerds. Cette glorification de la « frugalité heureuse » est totalement incompréhensible pour nombre de fans, qui voient dans Alixus un tyran « plus maléfique que la Reine Borg » et dans ses adeptes de « crédules imbéciles ».

« Ne me dites pas qu’après 10 ans isolés dans ce village de merde, ils ne veulent même pas visiter la Fédération ! » enrage un commentateur.

« Que la vie simple primitive soit montrée comme supérieure est stupide ! fulmine un autre. Qui peut croire qu’il soit mieux de passer toute sa journée à labourer un champ, plutôt que laisser faire une machine pour se libérer du temps et ainsi cultiver ses autres talents (écrire des livres , rechercher des remèdes, chanter…) ».

Vous allez devoir vous habituer à ce genre de réflexion, dès l’instant où vous entrerez dans une démarche de simplicité volontaire.

On vous aura prévenu.

Heureusement, certains savent garder leur sang froid et leur esprit critique.

Ils parviennent même à se poser les seules questions qui vaillent : « la technologie rend-elle le monde meilleur ? Oui. La technologie aggrave-t-elle les problèmes du monde ? Oui. La modernité apporte des solutions et crée des problèmes. Nous devons donc tenter d’en garder le meilleur tout en nous débarrassant du pire ».

Mais quels génies ces trekkies !

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