Effondrement : comment répondre à l’éco-anxiété des enfants ?

maman qui pleure

Comment parler aux enfants des catastrophes qui menacent leur futur, les rassurer et leur donner la force de passer à l’action ?

Lucie a 10 ans. Sa mère a organisé son anniversaire dans un parc. Au moment de servir les jus de fruits, elle sort des gobelets en plastique. Soudain, Lucie fond en larmes. « Maman tu ne te rends pas compte ! Tu vas encore jeter du plastique dans la mer. Alors que la planète, les oiseaux et les tortues sont en train de mourir ! ». Face à ces larmes, que faire et que dire ?

Crise sanitaire, confinements, feux de forêt, rapports du GIEC, extinction des espèces… l’école parle d’écologie à nos enfant, mais jamais de l’effondrement de notre mode de vie. Pourtant, ils sentent que quelque chose ne va pas.

Pour Antoine Pelissolo, auteur des Émotions du dérèglement climatique, « la jeunesse a été frappée par une vague d’éco-anxiété, ou du moins d’éco-inquiétude ». Un constat confirmé par mon ami Pierre-Éric Sutter, psychothérapeute, pour qui « on assiste à une explosion des demandes de consultations (psy) sur ce thème ». Et ce n’est pas l’étude publiée en septembre par The Lancet qui va le contredire : on y lit que 75 % des 16-25 ans jugent le futur effrayant en raison du changement climatique.

Faut-il répondre à Lucie ?

La rabrouer – au prétexte que sa question dérange ou qu’il faut la protéger – serait une erreur : il n’y a pas pire pour traumatiser un enfant que de ne pas lui répondre ou de lui mentir. Inutile de s’appeler Marcel Rufo pour le comprendre !

Quelques chiffres : selon une étude parue en 2012 dans la revue Strife, 80 % des américains âgés de 10 à 12 ans sont très préoccupés et ressentent de l’anxiété face aux problèmes environnementaux.

Pour les enfants, le concept de « fin » n’a pas de sens

La capacité à se projeter dans le futur – qui est le propre de la jeunesse – est brisée. Pour un enfant, le concept de « plus jamais » n’a pas de sens. À leurs yeux, rien n’est définitif : ils ne comprendront qu’ils sont mortels qu’à l’adolescence. Ils n’ont donc pas les clés pour comprendre l’idée d’effondrement. C’est là que naît l’angoisse.

Conseil de lecture : Alice Desbiolles, L’Eco-anxiété. Vivre sereinement dans un monde abîmé (Fayard).

Non, Greta Thunberg n’en fait pas trop

Cette angoisse doit être prise au sérieux. Car, en absence de prise au sérieux, l’enfant/l’ado risque de perdre confiance dans l’adulte. L’adulte doit considérer que l’enfant vit un moment de deuil de sa « vie normale ». On entend par exemple de plus en plus d’élèves se demander à quoi bon faire des études pour apprendre un métier qui aura disparu suite à la catastrophe ?

Il FAUT lui apporter une réponse. Ou, du moins, engager la conversation.

À connaître : le livre et le site Sorry Children. Que dire (ou non) à nos enfants sur notre lit de mort ?, parrainés par Pablo Servigne.

Ce qu’il ne faut surtout pas faire : répondre comme cette mère.

Comment répondre à son enfant ?

Pour la pédopsychiatre Coline Stordeur, « les enfants sont capables de comprendre que nous n’échapperons pas aux bouleversements climatiques »… tant qu’on leur présente les choses avec pédagogie.

Voici une manière, parmi d’autres, de le dire à un enfant de moins de 12 ans :

« Ce qui est extrême ne peut pas durer. Par exemple, on ne peut pas courir super vite toute la journée, ou crier, ou sauter à pied joints sans s’arrêter…. On finira vite par s’essouffler. C’est ce qui arrive à notre planète. On l’a forcée à produire plein de nourriture et plein d’énergie pour nourrir et chauffer les gens… et maintenant, elle s’essouffle, elle est fatiguée ».

Ce sont les plus grands qui vous poseront les questions pièges et imprévisibles.

N’ayez pas peur des propos radicaux ou intransigeants de vos ados. C’est normal : ils ont le sentiment que leur « toute-puissance infantile est frustrée ».

Je vous conseille de potasser votre sujet pour ne pas sécher. Notamment si vous comptez parler de « ces scientifiques qui travaillent à chercher des solutions » ou de « ces lieux où on imagine d’autres manières de vivre ».

Pour réviser : voici une version résumée sur rapport Meadows sur “les limites à croissance”, spécialement écrit pour les lycéens et leurs enseignants.

Ayez déjà 2 ou 3 noms et lieux bien en tête ! Et, attention, hein, on ne parle pas d’Elon Musk qui préfère se barrer sur Mars !

À voir avec votre ado : Une fois que tu sais, le docu collapso d’Emmanuel Cappellin

Ne dites pas apocalypse, mais transformation

Souvent, la première réaction d’un enfant face à l’idée de « fin du monde » est la peur de l’abandon.

Il est donc nécessaire d’être rassurant : insistez sur le fait qu’il ne s’agit que de la fin « d’un monde » et qu’il y aura un monde d’après.

Parlez de transformation plutôt que d’apocalypse (même si apocalypse signifie, à l’origine, « révélation » ou « découverte d’autre chose »).

À savoir : les enfants – en particulier avant 8 ans – ont du mal à se repérer dans le temps et notamment à différencier le futur lointain de demain. Expliquez leur bien que cela va durer des années.

Pour apaiser ses angoisses, rien n’est plus utile que l’action

Le seul remède à l’écoanxiété, c’est agir, à son niveau, selon son âge et ses capacités.

L’important est de transformer sa colère en une action constructive, qui leur permette de développer un talent, d’acquérir une compétence. Rien ne serait pire que de rester passif dans son coin.

Quelques idées pour vous inspirer : apprendre les gestes écolos de base (éteindre les lumières, ne pas gaspiller, faire du vélo, manger moins de viande, couper l’eau du robinet…), rejoindre une association de ramassage des déchets, manifester pour le climat, s’initier au potager, etc.

Le mieux est d’accompagner vos enfants dans cette « transition écologique ».  Et pourquoi ne pas devenir végétarien ensembles, comme l’a fait Katia Raffarin, auteure d’Au secours, mon ado est végétarien ! (First).

À voir : Comment élever ses enfants face au collapse ? Voici une conférence de Renaud Hétier (docteur en Sciences de l’Éducation) qui devrait vous éclairer.

Passer à l’action

Enfin, il est primordial d’aider vos gosses à comprendre qu’il y a des solutions et de leur proposer des gestes concrets à faire, pour améliorer la situation : trier les déchets, aider au potager, ne pas gaspiller l’eau…

Les engager ainsi va leur apporter de l’optimisme, de l’espoir et du sens. Des sentiments puissants pour les accompagner dans ce climat anxiogène.

Pour aller plus loin, je vous recommande cet article publié dans The Conversation, autour de l’écologie expliquée aux enfants.

Vous pouvez aussi lire Comment rester serein quand tout s’effondre (Ed. Flammarion). Dans ce livre, le philosophe méditatif Fabrice Midal nous apprend notamment comment parler aux enfants de ce qui nous attend. Plutôt que de leur cacher la vérité, il préfère leur expliquer qu’avoir peur fait partie de la vie. L’important, c’est de transmettre l’espoir dans une vie meilleure, sans lequel on ne se lèverait pas le matin. De même, il est essentiel d’encourager l’enfant à prendre des risques et à partir à l’aventure. “Nous vivons dans une société qui, au prétexte de protéger les gens, veut supprimer tous les risques, tout contrôler. Mais est-ce vraiment ça la sagesse ? Interdire à son enfant d’apprendre à grimper aux arbres ?” Midal prône une “sagesse pratique” qui réagit à l’intuition, en lien avec la méditation. Et, pour aider les parents, il suggère un conseil de lecture : Et si la méditation était la solution ? Répondre aux besoins et désirs des ados, de Mathieu Brégégère. Il considère que la méditation peut les aider – nous aider – à mobiliser nos forces et nos atouts.

Allez, maintenant, c’est à vous de jouer et, n’oubliez pas : si même Disney est arrivé à leur parler d’effondrement – avec le film Wall.E – alors, vous aussi ! 

Je conclurais ce billet avec l’excellente vidéoconférence d’1h15 organisée le 28 octobre 2020 par  Les rencontres d’Adaptation radicale, avec, en guest star, Véronique Perriot, auteure de Le Meilleur à venir (disponible en PDF sur la page). Un livre pour parler d’effondrement avec ses enfants. Bon visionnage !

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