Dans la demeure du Roi Soleil, le 28 mars dernier, TotalEnergies célébrait le centenaire du règne fossile. Loin de la « vie réelle », Patrick Pouyanné et sa bande se gargarisaient d’un siècle de profits basés sur la destruction des milieux naturels et le non-respect des droits des communautés.
Cent ans et 33 bombes climatiques au compteur. Pour l’une des compagnies pétrogazière les plus émettrices du globe, il fallait au moins ça sur le gâteau d’anniversaire. Total, rebaptisé en mai 2021 TotalEnergies, est impliquée dans 33 mégaprojets pétroliers et gaziers situés aux quatre coins du monde. Yamina Sahed, docteure en énergétique, autrice principale du GIEC explique : » une bombe climatique, c’est un projet qui va faire exploser le peu de budget carbone qu’il nous reste avant la fin du siècle. Une fois le budget carbone épuisé, on va rentrer dans une situation climatique dramatique« . Greenpeace a chiffré : ce serait au moins un milliard de tonnes équivalent CO₂ émis pour chaque projet si toutes leurs réserves étaient exploitées. Le plus monstrueux est situé à Vaca Muerta en Argentine, où l’extraction de gaz de schiste pourrait émettre près de 15 milliards de tonnes équivalent CO₂ à lui seul.
Des décennies de mensonges et de greenwashing
Dès les années 70, TotalEnergies savait que ses activités pétrolières et gazières participaient à la destruction de la planète. Pour autant, en 2023, ses activités de production d’énergie reposaient encore à plus de 98 % sur le pétrole et le gaz, nous enfonçant un peu plus chaque jour dans la crise climatique. Camouflé, ce business model mortifère se pare d’une communication mensongère et d’un message laissant entendre que la compagnie atteindra la neutralité carbone d’ici 2050.
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Dans son dernier ouvrage Le Mensonge Total paru le 1er mars 2024, Mickaël Correia, journaliste à Mediapart souligne « que le géant pétrolier rejette chaque année plus de gaz à effet de serre que l’ensemble des Français, et veut nous faire croire, à coups de vastes opérations de greenwashing, qu’il est devenu un acteur majeur de la transition écologique« . Mais verdir son monde à coups de communication dédiée à la production d’énergie solaire et éolienne ne suffirait pas à masquer le rachat par TotalEnergies du navire de forage Tungsten Explorer et des dix nouveaux projets pétroliers lancés depuis décembre 2023.
De mèche avec l’État
Fleuron industriel du pays, l’entreprise cotée au CAC 40 a bénéficié, depuis sa création, du soutien indéfectible de l’État français et de sa diplomatie économique pour s’étendre dans le monde entier, et notamment sur le continent africain. Cette complaisance de l’État était notamment visible lors de la dernière COP à Dubaï, TotalEnergies faisant partie de la délégation officielle de la France.
Qui plus est, le modèle économique de la compagnie persiste, en dépit de l’urgence climatique, grâce à un certain nombre d’acteurs financier. Les trois premiers financeurs mondiaux de la major sont des banques françaises : BNP Paribas, Crédit Agricole et Société Générale, qui représentent à elles seules 41 % de ses financements.
Pour couronner le tout, TotalEnergies ne paierait que très peu d’impôts. Selon Maxime Combes, économiste, la compagnie profiterait de ses nombreuses filiales dans le monde pour localiser les profits dans les pays où son imposition serait la plus faible possible pour maximiser sa rentabilité globale au niveau du groupe. Alors même que son siège social est situé en France. Ajouté à cela, la compagnie sabote les politiques publiques : en juillet 2023, elle a reçu 5 millions d’euros de l’Ademe pour décarboner sa plus grande raffinerie du pays, au Havre.
Cette imbrication étroite avec l’appareil d’État vient questionner le rôle de la France et de sa responsabilité climatique. Comme le signale Yamina Sahed, « l’Accord de Paris est une obligation pour les États, mais pas pour les entreprises ». En revanche, « les États ont perdu le contrôle sur les entreprises« …