Comment sauver son couple, quand l’autre se fout de l’écologie ?

demande en mariage
par H. Schlittzen

Pas facile de s’engager dans une démarche de transition écologique, quand votre conjoint ne vous suit pas. Comment envisager l’avenir ensemble, sans partager les mêmes convictions sur l’environnement ? Comment sauver son couple quand l’autre se fout royalement de la planète ? Comment le convaincre de changer, sans le brusquer ? Pour vous, on a consulté une thérapeute conjugale.

Yann a 50 ans. Il aime la marche-nordique, écouter des podcasts de Pablo Servigne et a débuté une formation en agroforesterie. Un matin, il fait part de ses inquiétudes à son épouse, institutrice : “quand je vois les enfants – Yann en a 5, âgés de 15 à 21 ans – je me dis que la génération smartphone ne sait pas faire grand chose sans smartphone… comment les préparer à l’effondrement ?” D’abord, Madame a rigolé. Après 27 ans de mariage, elle a pensé que c’était « une lubie » de son mari. Et puis, le conflit de valeur s’est envenimé. “Elle se fermait et refusait de communiquer à ce sujet », explique Yann. Quant aux enfants, “ils n’ont pas voulu accepter que leur mode de vie puisse disparaître d’ici 2030. Au départ, ils m’ont laissé parler gentiment, sans me contredire, juste en s’en fichant.”

Yann se doutait bien que le reste de la famille ne le suivrait pas dans son projet de rejoindre le nord Finistère – le dernier endroit de France que le réchauffement atteindra, selon lui. De toutes façons, “[ma femme] en avait marre de mes conneries de collapso”. Aujourd’hui, Yann s’est reconverti dans l’assistance sociale, mais souhaite devenir “formateur en énergies renouvelables et bioclimatisme” dans un éco-lieu. Qu’en pense Madame ? “On a pas encore divorcé, mais chacun suit désormais son chemin”. 

Lire aussi : Quels bouquins offrir à un collapso-sceptique ?

Dissonance conjugale

À l’origine de la rupture de ce couple : une rupture sur le terrain des valeurs, que la thérapeute de couples (voire de trouples) Catherine Demangeot définit comme « le socle de la relation, l’ADN de la famille« .  

C’est vrai, la plupart des couples qui entrent dans une démarche de changement (écolo ou zéro déchet par exemple) le font à deux, souvent suite à la naissance d’un enfant ou à un problème de santé plus ou moins grave.

Mais, si seulement l’un des deux décide de changer de vie de manière radicale, cette prise de conscience peut devenir un obstacle à la vie de couple. Car, selon la thérapeute, « même s’il a la conviction d’agir pour le bien de tous… il risque de se heurter à l’incompréhension de son entourage ».

Sur la page Facebook de « La collapso heureuse« , de nombreux témoignages confirment cette analyse. Un cas de rupture revient souvent : l’un·e rêve de quitter la ville pour entrer dans une démarche de survivalisme familial; mais l’autre invoque des raisons professionnelles, ou refuse de toucher à son petit confort.

Pour ce genre de couple dissonant, le schéma est – malheureusement – souvent le même : on commence par négocier sur tout, on tente parfois une thérapie de couple et on finit par s’éloigner progressivement,  jusqu’à se rendre compte que l’autre ne changera jamais. C’est là qu’intervient la rupture.

Lire aussi : notre hors-série « Résilientes, regards sur l’éco-féminisme » (à télécharger gratis) 

La grève du câlin, ça sert à rien !

Voici comment éviter la rupture et convaincre l’autre de rejoindre l’aventure collapso.

« S’aimer c’est aller vers l’autre », nous dit une instagrameuse fleur bleue. Vu comme ça, cela peut sonner creux, mais, en fait, c’est plutôt une jolie façon de dire qu’il est inutile de chercher à embarquer l’autre contre son gré. « La crise est une opportunité… si elle est bien gérée, décrypte Catherine Demangeot. Dans le cas contraire, c’est une rupture définitive qui se profile ! ».

Bref : menacer de faire la « grève du câlin » tant que l’autre continuera à acheter des bouteilles en plastique ou refusera d’aller vivre au fin fond du Larzac, ne sert à rien. 

Et si le truc était de miser sur ce qu’on a en commun, sur ce qui nous unit ?

« C’est comme l’éducation des enfants », compare Emilie, sur Facebook. « Il ne faut pas en faire une question tabou, mais en parler avec raison, bienveillance et beauuuucoup de patience« .

La reco du pro : si vous êtes collapso mais célibataire, osez aborder le sujet dès les premiers rendez-vous amoureux. Cela évitera toute mauvaise surprise !

les bons amis
-Ah ah, et sinon, tu as parlé à Cindy de ce plan bunker-échangiste dont je t’ai parlé ? -Hum, pas encore John, tu sais, l’évolution des mentalités prend du temps…

Je t’offre un apéro-collapso ? 

« La peur de perdre ses acquis, ce que l’on possède, ses repères… peut amener les individus à s’opposer au changement, surtout s’il est brutal, note la psy. Pour aborder le changement de manière positive, il faut pouvoir y penser en amont, s’y être préparé« .

Mais le problème, en matière d’effondrement, c’est que la rupture est parfois tellement radicale que l’autre a du mal à vous croire. « Du jour au lendemain, nous explique une Twitteuse, mon mec n’avait plus les mêmes priorités… il avait profondément changé. Je ne le reconnaissais plus, c’est comme s’il était entré dans une secte, ce qu’il me racontait était tellement énorme que j’avais envie de lui dire : ‘tout ça, ce sont des fake news, des complots, tu t’es fait embobiner !’. 

D’autres collapsos interrogés via Twitter confirment : dès qu’ils prononcent le mot d’effondrement, on leur reproche d’être trop alarmistes. « Moi ça m’angoisse, je ne veux pas en entendre parler !”  

Une attitude qui peut conduire à des disputes sans fin… et pourtant ! Le déni n’est-il pas l’une des 5 étapes du deuil ? N’est-il pas normal de passer par une phase collapso-sceptique, avant de prendre pleinement conscience que « l’effondrement » est une réalité ? Et si la solution, c’était d’aider l’autre à « faire son deuil » ? 

Deuillons ensemble !

Selon la théorie de la psychiatre Elisabeth Kübler-Ross (publiée dans On Death and Dying en 1969), une personne à qui l’on apprend qu’elle souffre d’une maladie incurable passe par 5 phases : le déni, la colère, le marchandage,  la dépression, l’acceptation.

Or, il peut être aussi difficile pour une personne d’accepter que « le monde court à sa perte » et que tous ses plans vont s’effondrer dans 20 ans… que d’apprendre qu’elle est atteinte d’une maladie grave.

Donc, si vous voulez sauver votre amour… il va falloir aider l’autre à passer les 5 étapes de son deuil pour lui permettre de vous rejoindre. 

Cherchons une solution pour chaque étape : 

1- Le déni (je ne te crois pas) : il va falloir lui prouver que ce n’est pas un « complot facile pour dîner en ville » : l’effondrement de notre mode de vie est une possibilité de plus en plus inévitable. Pour vous aider à le démontrer, on a sélectionné le best-of de la littérature collapso, des films et docus (s’il/elle n’aime pas trop lire) et même des BD sur l’effondrement ! Et si c’est un.e fan de spectacle vivant… prenez des places pour la conférence d’un chercheur très sérieux ! À vous de trouver LE truc pour le/la motiver !

2- La colère (salauds de pollueurs !) : accrochez-vous. Une fois que votre moitié aura compris dans quelle merde noire nous sommes déjà… ça va chier dans le ventilo ! ça va twitter furieusement, lancer des pétitions, militer chez Extinction-Rebellion… et c’est très bien ! Mais il ne faut pas que son combat s’arrête-là : votre objectif n’est-il pas d’entrer tous les 2 dans une démarche constructive ? 

3- Le marchandage (j’ai donné 1000 € à un ado qui va emprisonner l’océan de plastique dans un filet magique !) : il est tentant de croire que les techno-solutions ou la géoingénierie vont nettoyer le ciel, les mers et ralentir la catastrophe. Malheureusement, la plupart de ces initiatives sont des leurres et les dégâts causés sont en grande partie irréparables.

4- La dépression (c’est trop crueeeel) : vous y êtes presque. Soyez l’épaule réconfortante, ayez les mots qui redonnent espoir, portez un projet qui redonne du sens à la vie ! Et si, pour le/la requinquer, vous lui offriez un petit weekend woofing (une forme de AirBnb à la ferme) : le bon air, ça fait toujours du bien, surtout quand on peut profiter d’une sieste crapuleuse dans le foin !  

Eure : j'ai testé le woofing dans une ferme de Bouquetot

5-L’acceptation (bon d’accord, je viens avec toi élever des chèvres dans la baie de Somme, mais à une condition… qu’on ait le wifi !) : c’est y est, vous avez sauvé votre couple ! 

Cette stratégie des petits-pas vous semble un peu ridicule ? Écoutez plutôt notre psy : « je crois davantage à l’utilité et à la beauté des petites actions qui creusent le lit des grands changements ». Inspirant, non ?

*Les prénoms ont été changés à la demande des témoins. 

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