Le temps des grandes migrations climatiques est arrivé

déplacés climatiques

Selon l’ONU, 250 millions de migrants climatiques sont attendus d’ici 2050. Ces déplacements toucheront majoritairement l’Asie, l’Amérique et l’Afrique. Mais l’Europe ne sera pas épargnée.

« Le risque pour les humains d’être contraints à la migration du fait du changement climatique est 60 fois plus grand qu’il y a 40 ans » explique Marie Leroy, experte climat de l’O.N.G Care France. Un phénomène qui touche tous les continents.

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Délocalisation sale

Jusqu’ici, l’Occident est parvenu à concilier réduction des émissions de GES et croissance économique, en délocalisant ses pollutions vers les « pays usines » du monde (Chine, Pakistan, Thaïlande, Turquie…). En effet, pourrir le Gange pour produire un jean vendu à Paris préserve la Seine. Greenwashing assuré !

Conséquence de cette « division écologique du travail » : les pays producteurs subissent sécheresses, inondations et pénuries. Le dérèglement climatique précipite des régions mondiales dans la détresse et pousse d’importantes populations à fuir.

« De plus en plus de gens vont être forcés de migrer », confirme François Gemenne, spécialiste des migrations liées à l’environnement, ajoutant que « les populations rurales les plus vulnérables vont être incapables de migrer, parce que l’émigration demande beaucoup de ressources ».

Voici quelques exemples poignants de la catastrophe actuellement en cours.

Quitter sa terre

Ainsi, à Sibi, la fournaise du Pakistan, on travaille par plus de 50° à l’ombre à l’aide d’un ventilateur artisanal tracté par des ânes. Ici, comme le raconte un reporter de l’AFP, toutes les mères rêvent d’emmener leurs enfants ailleurs.

Le thermomètre s’affole aussi sur l’île de Kivalina (Alaska) dont les habitants voient la glace fondre… et avec elle leurs réserves de chasse et de pêche. Ils devront abandonner leur territoire dès 2025.

Au Sahel, les températures augmentent 1,5 fois plus vite que dans le reste du monde et les précipitations sont de plus en plus violentes. La paupérisation des paysans permet aux multinationales de s’accaparer leurs terres contre une poignée de Francs CFA. Entre conflits armés, extrême pauvreté, insécurité alimentaire et pandémie, l’ONU estime que 2,9 millions de personnes ont fui au cours des derniers mois, dans la seule région du Sahel. Pour mieux comprendre le phénomène qui touche le Sahel, je vous recommande de visionner ce reportage.

Rendez-vous, enfin, sur les îles Tuvalu, neuf atolls situés au nord des îles Fidji, dans le Pacifique… condamnés à l’engloutissement d’ici 20 ans, selon le GIEC. Déjà, l’eau douce se fait rare et les réserves de poissons s’amoindrissent à cause du blanchiment des coraux… Ici, ni touristes, ni État pour construire des digues et protéger le littoral. Ses 11 000 habitants font leurs bagages.

La Banque mondiale désigne ces femmes et ces hommes, sous le terme de “déplacés”, qui induit l’idée d’abandon forcé d’un lieu de vie, et reflète mieux la réalité des causes de déplacement. Dans son rapport, intitulé « Se préparer aux migrations climatiques internes » (2018).

Un autre point de vue sur la question : je me suis penchée sur le travail de Dan Majka, réalisé avec l’ONG The Nature Conservacy. Il a réalisé un ensemble de cartes dynamiques indiquant les “futures” migrations que pourraient suivre les animaux en Amérique. Et si les animaux migrent… les hommes les suivront certainement.

Et l’Europe dans tout ça ?

D’après Alice Baillat, chercheuse à l’IRIS, les Européens ne seront pas épargnés. D’abord, « la montée du niveau des eaux qui affectera les populations des Pays-Bas, des Balkans ou même de certaines îles allemandes ». Mais, surtout, « l’Europe deviendra potentiellement une destination de migration… ».

Faut-il, pour autant, craindre une invasion de millions de migrants climatiques ? « Non, lâche Alice Baillat. L’Europe ne va pas se retrouver à gérer des millions de déplacés. Car la grande majorité des migrations sont internes et se font à proximité des lieux d’origine ».

Une théorie confirmée par les travaux du chercheur Arno Tanner (The Future of International Migration Governance, 2006) pour qui « il est improbable qu’il y ait des mouvements massifs de population sur de longues distances même dans une situation de changements climatiques systémiques ».

« Les déplacés ne souhaitent pas nécessairement émigrer. Ils préfèrent rester près de leur pays d’origine plutôt que d’entreprendre un long voyage vers l’inconnu […]. Les populations préfèrent rester près de leurs habitations et revenir dès que cela est possible. Le scénario le plus probable est que les populations resteraient dans la région voisine et rentreraient chez elles ».

Cas pratique : des études menées au Sénégal montrent qu’on assiste d’abord à une migration de la campagne vers la ville, puis du Sénégal vers un pays voisin… puis, marginalement, vers un autre continent.

Une réalité qui n’empêchera pas l’extrême-droite d’agiter le chiffon rouge des migrations climatiques à chaque occasion électorale, comme l’explique François Gemenne dans cette longue interview : 

#07 - Réfugiés climatiques : vers des migrations massives ? (François Gemenne)

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