Enfin un livre pour mieux comprendre et gérer son éco-anxiété !

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Les psychologues Pierre-Éric Sutter et Sylvie Chamberlin publient ‘Bien vivre son éco-anxiété‘. Un guide pour comprendre, auto-évaluer et apaiser son éco-anxiété.

L’éco-anxiété touche 45 % des jeunes dans dix pays, selon une étude parue dans « The Lancet Planetary Health ». Pour autant, elle reste mal définie, mal reconnue et mal soignée. Nous avons échangé avec Pierre-Éric Sutter pour éclairer votre lanterne.

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YGGDRASIL : Bonjour Pierre-Éric. Tu es psy, spécialisé dans l’éco-anxiété depuis une poignée d’années maintenant. Pour démarrer cet échange, peux-tu nous définir rapidement ce concept ?

Pierre-Éric Sutter : L’éco-anxiété est une détresse mentale et émotionnelle qu’un individu peut ressentir en réponse à la menace du changement climatique et aux problèmes environnementaux globaux. Autrement dit, c’est une projection de ses inquiétudes du présent dans l’avenir. Cela peut être un stress intense voire des problèmes de santé mentale, tels que la dépression. Pour autant, l’éco-anxiété n’est pas une maladie. C’est un mal-être.

YGGDRASIL : Pourrait-on parler d’une forme d’expérience de mort imminente ?

P-E.S : Je n’irais pas jusque-là, même si l’éco-anxiété est liée à une confrontation avec la finitude de la planète et donc à sa propre finitude. Mais on pourrait parler, oui, d’une forme d’expérience d’effondrement imminent. 

YGGDRASIL : À quoi ressemble l’éco-anxiété ?

P-E.S : C’est un moment unique pour chacun. Il peut être soudain, doux, rationnel, spirituel, fluide. À chacun sa prise de conscience. En revanche, il y a un point commun entre tous mes patients : ils avaient été sensibilisés à la nature ou à l’écologie en général par leur éducation (un membre de sa famille, un professeur, une expérience personnelle…).

YGGDRASIL : Certains profils sont-ils davantage touchés ? Y a-t’il des différences entre les âges, les sexes, l’origine sociale ?

P-E.S : Dans les études quantitatives qui ont été réalisées par l’Observatoire de l’ÉcoAnxiété que je co-anime (et qui ont été menées sur 3500 personnes), on trouve un grand nombre de personnes avec un haut niveau d’étude. Attention, cela ne veut pas dire que les surdoués vont sauver la planète ! Mon analyse la suivante : plus on a une grande capacité d’abstraction, plus vite on fait le lien entre prendre sa voiture tous les jours et détruire la planète. Or, l’apprentissage de l’abstraction, même s’il commence dans l’enfance, s’enracine en faisant des études théoriques. On développe sa « capacité d’extrapolation » tout au long de sa vie. En fonction de ses études – plus ou moins scientifiques – on sera mieux armé pour prendre conscience que tout est interdépendant. Et pour faire le lien de cause à effet entre ses actes individuels et le réchauffement climatique.

YGGDRASIL : L’éco-anxiété a-t-elle conduit tes patients à prendre de mauvaises décisions, à perdre leur rationalité ?

P-E.S : Pas vraiment, non. Mes patients sont souvent des personnes qui ont conscience que s’ils fuient, s’ils bifurquent trop vite, il risque de se prendre le mur. Ce sont des personnes prudentes. J’ai très rarement eu de patient avec un comportement totalement immature. Quand ils font le choix de changer de vie, c’est un choix éclairé. Un choix conçu à l’issue d’un long processus d’identification et de préparation. C’est l’aboutissement d’un projet personnel, qui n’est pas influencé par leurs peurs.

YGGDRASIL : Tu dis que la boulimie informationnelle actuelle peut être génératrice d’anxiété. Dirais-tu que l’éco-anxiété est le mal de l’ère de l’info en continu ?

P-E.S : Je pense que les éco-anxieux n’ont pas besoin de télé ou de réseaux sociaux pour se faire du mal. Néanmoins, l’info en continu ou les réseaux rajoutent du mal au mal. Savoir qu’une forêt brûle les angoisse. Le voir dix fois sur dix chaînes différentes leur fait dix fois plus mal. Mais, quand un éco-anxieux découvre une information qui le stresse, il va vouloir en savoir plus, de connaître tous les détails. Il a donc besoin d’info de qualité.

YGGDRASIL : Ton livre est parsemé de citations de patients. L’un d’entre eux dit notamment « C’est difficile de vivre avec des gens qui ne sont pas sensibilisés à l’environnement, qui sont dans le déni. » Justement, que faire face à un éco-sceptique ou un « éco-myope », comme tu dis ? 

P-E.S : Mon conseil est qu’il ne sert à rien de s’acharner à convaincre une personne qui ne ressent aucune forme d’éco-anxiété. La priorité est de faire la paix en soi et de dépasser ses propres peurs, avant de tenter de convaincre un autre. Sinon, on va porter sa guerre à l’extérieur. Non. Ce n’est qu’une fois que tu as fait la paix à l’intérieur, que tu seras capable de convaincre par l’exemple de ton mode de vie. 

YGGDRASIL : Pour toi, les messages « qui font peur » ne peuvent pas faire changer de comportement ?

P-E.S : La peur ne fait pas changer de comportement. On a beau écrire sur les paquets de cigarette que « Fumer tue », les gens continuent à fumer. La puissance du déni est énorme. C’est un biais cognitif ultra-puissant. C’est un mécanisme de défense essentiel. Le fameux “bug humain” (même si cette théorie est aujourd’hui contestée).

YGGDRASIL : Mais alors, comment vaincre la puissance du déni ?

P-E.S : Je demande toujours à mes patients qui ont arrêté de fumer ce qui les a fait arrêter. Pour la plupart, il s’est passé quelque chose qui les a personnellement traumatisé. Le cancer d’un proche, une attaque cardiaque bénigne… Il faut que le danger soit immédiat pour que la mécanique de stress se mette en branle et conduise au changement. Sinon, notre cerveau nous fait croire qu’on va passer au travers des gouttes.

YGGDRASIL : Pour toi, il faut donc attendre d’être au plus mal pour que ça bouge ?

P-E.S : Heureusement non. Il faut stimuler l’imaginaire, sans tomber dans le nihilisme. Il faut démontrer les phénomènes à l’œuvre, sans créer des « monstres », ni tomber dans l’irrationnel. Un exemple : quand Pasteur a parlé des microbes à ses confrères médecins, aucun ne l’a cru. Mais le jour où Pasteur leur a montré les microbes dans un microscope, tous l’ont cru. C’est en cela que les documentaires, les romans, les fresques du climat etc… sont essentiels !

YGGDRASIL : Un dernier mot pour nos lecteurs qui se sentent éco-anxieux ?

P-E.S : Hum, je leur dirai que le meilleur moyen de domestiquer sa peur, c’est d’aligner ses actes avec ses valeurs. Mais, qu’il faut faire attention : car, à trop vouloir être intègre, on devient intégriste !

Bien vivre son éco-anxiété (Prendre soin de soi en prenant soin du monde)

Pierre-Éric SUTTER, Sylvie CHAMBERLIN, Ed GERESO, 281 p, 2023

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Retrouvez ici un extrait du livre.

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