Voici trois exemples qui montrent combien les réseaux électriques modernes sont complexes et fragiles, malgré toutes les sécurités imaginées par les ingénieurs. Il suffirait de quelques années de mauvais entretien et de phénomènes météo extrêmes pour provoquer leur effondrement.
Nous allons commencer dans l’Italie de 2003, puis l’Europe de 2020 et, enfin, le Texas de 2021.
Avant de débuter, je dois vous expliquer que, pour maintenir des réseaux électriques en service, il faut que la fréquence de courant (calculée en hertz) reste constante. Sans quoi, il y a surtension ou sous-tension et tout peut s’effondrer ou cramer. Maintenant que vous avez les bases, on peut commencer !
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Mise à jour en 09/2021 : depuis septembre 2021, le réseau d’électricité britannique est victime de la rupture d’un élément lourd dont la réparation sera longue (on parle de Mars 2022). D’ici là, leur réseau sera en tension. Notamment lorsque les « renouvelables » (soleil, vent) seront faibles et que le voisin français n’aura pas beaucoup d’énergie nucléaire à exporter. En réaction à cela, les pro-nucléaires frétillent. Ainsi, J-M.Jancovici écrit : « supprimer du nucléaire chez nous c’est prendre un risque élevé d’aller vers la même chose (ou plus grave)« . Alors que nous avons LA solution sous le nez : réduire notre consommation d’électricité en mettant en œuvre une politique publique adaptée. Mais ça, les pro-nucléaires ne veulent pas en parler ! Pas touche au grisby !
Le black-out italien de 2003
Au petit matin du 28 septembre 2003, une ligne à haute tension touche un arbre. Cette interconnexion entre la Suisse et l’Italie était à 88 % de sa capacité, la ligne a chauffé et s’est distendue. Le vent l’a poussée contre la cime d’un arbre.
Immédiatement, la sécurité coupe la ligne. Rien de bien grave. Sauf que cette coupure arrive au mauvais moment : l’Italie pompe beaucoup d’énergie cette nuit-là, tout le réseau est tendu. Conséquence : une autre ligne surchargée prend feu et se coupe à 3h25. La tension augmente encore sur le reste des lignes. Et là, c’est le drame. Les lignes entre la Suisse et l’Italie sautent les unes après les autres.
Les systèmes automatiques de La France, la Suisse, l’Autriche, et de la Grèce constatent un problème du côté italien et se déconnectent de son réseau. L’Italie est isolée. Il lui manque plus de 6000 mégawatts pour tenir. Privée d’importations, son système saute, malgré le coup de boost tenté par les centrales italiennes et le shutdown des gros consommateurs, puis de plus petits, puis de simples particuliers.
Pour compenser la perte en énergie, l’Italie est plongée dans le noir. Elle y restera pendant plusieurs heures, jusqu’au retour des connexions. Pour aller plus loin, je vous recommande l’excellente vidéo de Monsieur Bidouille.
Conséquences :
- les chemins de fer sont bloqués en rase campagne,
- les gares se transforment en bivouacs
- Naples : la population se précipite vers les fontaines publiques.
- Palerme : on se rue sur le pain,
- Turin : les groupes électrogènes se sont trouvés à court de carburant à l’improviste et une transplantation de foie tourne mal,
- Rome : la fête de la Nuit blanche est gâchée : 1,5 million de personnes sont coincées dans la ville, dans un immense embouteillage,
- seules les centrales électriques autonomes des Îles mineures ont tenu !
2020 : la crise des réseaux électriques européens
Nous sommes le 8 janvier 2020. Il est 14h04. En Croatie, une sous-station saute. 43 secondes plus tard, un système d’alarme stoppe la circulation d’électricité sur les lignes haute tension sur le Nord de l’Europe. La zone Nord se trouve alors en manque de puissance alors que le Sud, ne peut plus « évacuer » sont surplus de puissance. Concrètement, il manque au Nord l’équivalent la production de 6 réacteurs nucléaires (6,3 gigawatts) et le Sud doit gérer un surplus équivalent. C’est énorme.
Le travail des gestionnaires de réseau va être de resynchroniser les deux zones le plus vite possible avant que ce déséquilibre ne fasse tout sauter.
À 14h09, la France et l’Italie du Nord tentent de compenser la sous-tension en pratiquant l’interopérabilité : ils coupent automatiquement le courant aux grosses entreprises. On imagine le coût économique de cette décision. Elle a réduit la consommation de 1,7 gigawatts. Seulement.
Chaque seconde qui passe fragilise un peu plus le système. Les installations en surtension peuvent se détruire, cramer. Leur résilience actuelle dépend de leur bon entretien, et surtout de l’efficacité des systèmes de secours.
Finalement, il faudra une heure pour resynchroniser les deux zones. Mais le système a tenu. Les leçons de 2003 ont été retenues.
Le collapse électrique texan de 2021
Il fait froid en ce 15 février à Dallas : -20°C. Face à l’effondrement des températures, les texans ont allumé leurs convecteurs à fond. Mais les réseaux électriques de centrales texanes ne sont pas habitués à autant de tension. Pourtant, le Texas est le premier État américain producteur d’énergie !
C’est alors que démarre un enchaînement d’événements qui a presque conduit à un black-out de plusieurs semaines, voire plusieurs mois.
L’Electric Reliability Council of Texas, l’autorité régulatrice locale, n’a eu que 4 minutes et 37 secondes pour agir. Sans quoi, 4 millions de personnes auraient été privées d’électricité.
À l’origine du dysfonctionnement : des centrales à gaz et au charbon, inadaptées aux basses températures, qui tombent en panne. Dans un marché de l’électricité totalement libéralisé, les distributeurs privés et producteurs ont rogné sur les investissements nécessaires pour protéger leurs centrales en cas de grand froid. Ils ont considéré cette probabilité trop faible…
Et voilà que les seuls d’alerte s’enchaînent : 12H15, 13H07. Les coupures des grands groupes industriels commencent, pour pallier la pénurie d’électricité.
Mais, à 13H23, malgré les coupures de courant tournantes dans tout l’État, la fréquence du réseau est tombée à 59,4 hertz. 0,6 hertz sous la barre des 60. Rester 9 minutes sous ce niveau pourrait conduire à un effondrement en cascade du réseau. L’ERCOT a donc dû procéder à des coupures massives de courant. Au bout de 4 minutes et 23 secondes, la fréquence a rejoint les 60 hertz.
Les effets de cette crise ont été catastrophiques pour des centaines de milliers de foyers qui vont rester des jours sans électricité, au cœur d’un froid polaire. Pour vous rendre compte de l’ampleur de la crise, voici un petit reportage bien à l’américaine par les équipes d’ABC News :