J’ai récemment levé le pied sur le smartphone et cherché un téléphone mobile basique (on dit aussi dumbphone ou feature phone) qui corresponde à mes besoins. Voici le résultat de mes investigations !
Pourquoi abandonner mon smartphone ?
Deux raisons m’ont conduit à revenir au dumbphone (j’ai 39 ans, j’ai eu un Nokia 3210, le T9 n’est pas une découverte pour moi).
La première : il faut que je dorme ! Je suis plutôt du matin. Le soir, je ne suis plus bon à rien. Or, je passe parfois des soirées entières sur YouTube, à mater des vidéos de MisterJD ou de Nota Bene. Après avoir passé la journée dans la collapsologie, ça me vide la tête. Sauf qu’il y a un truc qui vide encore mieux la tête qu’une vidéo : ça s’appelle DORMIR. J’ai donc décidé d’arrêter les vidéos et d’aller me pieuter aux premiers bâillement avec une bonne BD d’héroïc-fantasy empruntée à la bibli ! Et hop ! 2 heures de sommeil gagnées. Quand on sait les ravages de la baisse du sommeil en France (lire ici) c’est un vrai gain pour ma santé.
La seconde : j’étais clairement atteint du syndrome FOMO, voire de nomophobie. Oui, je ne faisais jamais rien sans avoir mon tel sur moi et je consultais mon téléphone 150 fois par jour pour y trouver une info croustillante à ajouter à ma newsletter de la semaine, ou pour m’inspirer un article/vlog. Une méthode absurde, consistant à scruter l’océan à la recherche d’une voile. Je devais perdre 1 à 2h de temps de cerveau disponible sur les réseaux. Désormais, j’ai amélioré la qualité de mes agrégateurs de contenu que je consulte une fois par jour sur mon ordinateur portable. J’ai fait le ménage sur Twitter, j’ai éduqué mon robot Flint, je visite le groupe Facebook La Collapso Heureuse, j’ai défini des alertes Google, etc…).
Lire aussi : Les alternatives à Facebook et Twitter, pour s’informer, sans se faire épier
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Si vous êtes (ou pensez être) dans la même situation que moi, vous avez deux options :
- Conserver votre smartphone et le mettre en mode « dégradé » : désinstaller toutes les applications et apprendre à vous contrôler ! Je sais, c’est dur… vous aurez toujours la tentation d’y revenir, parce qu’untel ne jure que par Whatsapp ou que vous aimez tellement checker vos emails plusieurs fois par jour.
- Donner ou revendre votre smartphone et opter pour un des feature phone suivant :
1-Le Light Phone 2 : minimaliste
Ce téléphone est designé pour vous aider à vous déconnecter. Leur mot d’ordre est « Nous ne voulons pas que vous consultiez votre Light Phone ».
Lancé en 2018, il a pour devise : « Appréciez votre temps, la vie est maintenant ».
Sur ce téléphone : ni réseaux sociaux, ni web, ni mails, ni photos. On ne peut qu’appeler et envoyer des SMS dont les notifications sont très discrètes. Vous pouvez cependant écouter de la musique avec Spotify. Mais le GPS ne vous dira uniquement quand tourner à gauche ou à droite !
Prix : 300 €
Mon avis : je suis alléché; mais ne l’achèterai pas. Pourquoi ? Je suis un créatif et un journaliste : j’ai besoin d’un espace où prendre des notes ! Or, ce téléphone n’a ni mémos vocaux, ni notes, ni appareil photo (je l’utilise pour photographier des couv’ de livres ou des affiches dans la rue), ni calendrier, ni un GPS précis (je n’ai aucun sens de l’orientation). En plus, c’est cher ! J’attends la V3 pour voir si ces options sont ajoutées.
2-Le Punkt MP02 : le plus radical
C’est le principal rival du Light Phone 2.
Mais il y a quand même de grosses différences entre les deux :
- Là où ils se ressemblent : on peut téléphoner et échanger des SMS en T9, il n’y a pas d’appareil photo,
- Là où Punkt fait moins bien que Light Phone : il n’y a pas ni GPS, ni lecteur de musique.
- Là où Punkt fait mieux que Light Phone : il y a un calendrier, des alarmes, et une app de notes. Surtout, le Punkt est pensé pour être un point d’accès wifi 4G pour votre ordinateur portable.
Prix : 329 €
Mon avis : THE téléphone de ceux qui veulent « sortir du système ». Avec sa messagerie « Pigeon » signée BlackBerry, tous les appels et SMS sont codés (comme sur l’app Signal). Il me correspond bien (sauf l’absence de GPS). S’il était à 100 € je l’aurais commandé. Mais à ce prix là, j’attendrai d’en choper un de seconde main !
3-Mudita Pure : le méditatif
Le principal atout de ce feature phone est son écran e-ink. Un écran de liseuse qui permet d’afficher un texte avec un rendu proche de celui du papier. Donc pas de lumière bleue qui réveille et bousille la rétine !
Autres avantages :
- un DAS très faible (0,08 W/kg)
- un lecteur de musique
- des applis de méditation
- une lampe de poche et une calculette.
- un système d’exploitation MuditaOS indépendant des GAFAM.
Sinon, il ne permet que de téléphoner et d’envoyer des SMS.
Bon à savoir : il peut facilement être utilisé comme modem 4G via une connexion USB.
Son constructeur (le polonais Michał Kiciński) est très connu dans l’univers du gaming, puisqu’il est le fondateur de CD Projekt qui a lancé les jeux The Witcher et Cyberpunk 2077. On est loin de l’ambiance zen de Mudita !
Prix : 350 € (il est en précommande et sera dispo à partir de Novembre 2021).
Mon avis : le dumbphone presque parfait. Son écran est génial si on veut lire des fichiers ou des livres dans les transports ou dans son lit le soir, sans aucune autre forme de distraction… sauf que l’option liseuse d’ebook n’est pas (encore) prévue dans la version actuelle !!! Zut alors !
4-Le Kapsys MiniVision 2: dumbphone pour malvoyants, fabriqué en France
Kapsys est une marque française spécialisée dans les téléphones pour personnes malvoyantes. Ils conservent un clavier physique, mais aussi un écran tactile et un système de vocalisation très efficace !
Je me suis penché sur le MiniVision 2 qui est minimaliste et surtout entièrement vocalisé ! Adieu le T9, bonjour les SMS vocaux super faciles à écrire.
Côté applis, le téléphone dispose de tous les essentiels : téléphone, SMS, calendrier, météo, notes, radio, torche. Par contre, il n’a pas d’appareil photo ni de GPS.
Voici une vidéo pour vous le présenter.
Prix : 240 €
Mon avis : des fonctions vocales géniales ! Grâce à lui, vous n’aurez plus à faire votre « poucette » pour envoyer un SMS. Vous allez gagner un temps précieux ! Par contre, il n’y a pas d’appareil photo et on ne peut pas l’utiliser comme modem wifi nomade.
5-Le Nokia 3310 : la référence !
En 2017, Nokia a refait le coup du 3310, mais en version 2.0. Un come-back remarqué qui en a déçu plus d’un : un feature phone banal à 69 €, quelle arnaque ! Eh oui, à leur sortie, les « nouveaux » 3310 étaient surtout un gros coup marketing. Une volonté de surfer sur la nostalgie des indestructibles Nokia des années 90.
Bien que la solidité et l’autonomie soient toujours au rendez-vous selon les nombreux tests réalisés, le Nokia 3310 version 2017 ne tenait pas toutes ses promesses. Heureusement, en 2018, une nouvelle version est venue résoudre les bugs.
À partir de 2018-2019, le 3310 passe de la 2G à la 4G. Grâce au Wi-Fi il peut être utilisé comme modem 4G pour un ordinateur portable.
Pour le reste il propose la radio, un appareil photo basique, un dictaphone…
Prix : 69 €
Mon avis : pour 69 €, c’est bien moins cher que les autres modèles !
6-Le Kingrow K1 : la liseuse phone
Je suis tombé sur ce modèle de la marque Yotaphone : le Kingrow K1. Un véritable smartphone, mais avec un écran tactile e-ink similaire à ceux d’une liseuse Kindle ou Kobo.
Avec, on peut téléphoner, envoyer des SMS, gérer son calendrier, faire des mémo sonores, écouter la radio, prendre des photos en 8 MP, prendre des notes, créer ouvrir un port-4G pour son PC. Par contre, impossible de mater des vidéos, d’utiliser un GPS, d’instagrammer ou de jouer à des jeux vidéos. Même si l’appareil est sous OS Android, Google Play en est absent.
Le prix : 350 €, (ce qui n’est pas cher pour une liseuse).
Mon avis : je pensais avoir trouvé mon bonheur, mais… J’ai appris que Yota Device avait mis la clé sous la porte il y a deux ans. Impossible de trouver le smartphone à l’achat neuf. Aucun site ne l’a en stock. Je suis dégoûté et je suis en quête d’une modèle de seconde main…
Les dumbphones dont je ne parlerai pas
-Le Palm Phone, qui est un téléphone Android 100 % google. Si on veut se déconnecter, autant en profiter pour se libérer des GAFA !
-Le Nokia 222 qui est, en réalité, un smartphone Android dans la peau d’un dumbphone. Ce qui n’a strictement aucun intérêt.
-Le CAT® B35 de Caterpillar, un téléphone « indestructible » est encore une interface Android branchée à Google. Dommage il me plaisait bien avec son côté « Batphone ».
-Les Shiftphones : des téléphones éthiques entièrement démontables et réparables, à la manière des Fairphones. Même si le sujet est intéressant, on est hors compétition ici.
-Le Smilyphone de Movigo : le cheval de troie de WhatsApp. Ne vous fiez pas à son slogan (« Connected. Not addicted »). Le téléphone contient Facebook Lite, et WhatsApp. Pas d’autre application disponible. Ni de T9.
-Le Rotary Cellphone : le vrai-faux anti-smartphone. Bon, c’est plus une blague qu’autre chose, mais Justine Haupt, une chercheuse américaine, a mis au point un téléphone portable à cadran rotatif totalement absurde qui ne fait que téléphoner. Pour l’instant il n’y en a qu’un : le sien, fabriqué à la main. Mais c’est un joli symbole pour dénoncer l’économie de l’attention !
À suivre : ce n’est pas très clair, mais Apple aurait un concept de dumbphone appelé « iDot ». On en parle dans les médias (comme ici) mais je n’ai trouvé aucune information officielle.
Lequel ai-je choisi ?
Faute de pouvoir me procurer le téléphone-liseuse Kingrow… je me suis rabattu sur le Mudita Pure. Un basique de chez basique, mais avec (presque) toutes les options qui me correspondent (notamment la possibilité de lire des fichiers, ce qui est mon cas).
Sauf que… je vais devoir attendre plusieurs mois pour le recevoir ! La bonne nouvelle, c’est qu’il arrivera probablement pour Noël. Et ce sera mon achat neuf de l’année.
En attendant, j’ai vidé mon smartphone de presque toutes les applications, sauf la radio, les podcasts, les notes.
Les 3 premiers jours, je n’arrêtais pas de le sortir de ma poche pour checker… rien du tout ! Ahah ! C’était libérateur ! Je me suis mis à lire davantage, à transporter mon ordinateur portable sur moi pour bosser. Ma principale difficulté a été de dire à mes amis de m’envoyer des SMS et d’éviter de me parler sur Messenger ou WhatsApp, car je n’allais « checker » mes messages que le soir.
L’absence de GPS n’est pas un souci. Il faut juste prévoir son coup, se balader avec un plan.
Pendant quelques mois, j’ai continuer à utiliser mon Iphone, notamment pour son option un carnet de notes. Cela m’a-t-il rendu moins productif ? Pas vraiment, puisque je me baladais avec mon ordinateur quand j’étais en déplacement, je pouvais ainsi continuer à écrire ou monter un podcast… plutôt que de traîner sur Twitter !
J’ai enfin abandonné mon smartphone ! (mise à jour de janvier 2023)
Pour le noël 2022-2023, je me suis enfin offert le dumbphone de mes rêves ! Et non ce n’est pas un Mudita Pure, mais un humble Nokia 800 Tough, que je surnomme le batphone.
Et c’est choix est le fruit d’une longue réflexion, menée pour un article comparatif, publié dans le Low-Tech journal.
Le principal avantage de ce téléphone, et qu’il vient avec le système KaiOS, capable de supporter des applications comme WhatsApp.
Après quelques jours de recherches sur Leboncoin, j’ai déniché un exemplaire neuf sous blister à 59€.
Mais j’ai mis environ un mois à basculer totalement de l’iPhone au Nokia. Pourquoi ?
D’abord, Apple ne permet pas d’exporter les numéros de téléphone vers un système type Androïd. Et même si il existe des techniques de hacker pour ça, elles sont réservés au transfert de smartphone smartphone.
Dans mon cas, la seule technique simple était de transmettre, un par un, l’intégralité de mes contacts IPhone à un tiers (ma femme) via WhatsApp. Puis, d’installer ma puce dans le Nokia, de restaurer WhatsApp et de demander à la femme de m’envoyer, un par un, l’ensemble des contacts transférés. Enfin, sur le Nokia, depuis WhatsApp, j’ai dû enregistrer, un par un, les contacts dans le téléphone. Ouf !
Second inconfort : la faible qualité de l’antenne 4G, ne me permet plus vraiment d’utiliser le téléphone comme modem 4G auquel connecter mon ordinateur dans les transports en commun. Moi qui en avait l’habitude, j’ai dû m’adapter. Maintenant, je lis dans les transports.
Troisième souci : l’insupportable interface de Google maps sur ce petit écran non tactile, qui rend la recherche et l’utilisation d’un GPS totalement infernale : temps de chargement, déplacement de la souris, temps d’écriture des adresses (en T9). Même un maître zen n’y résisterait pas ! J’ai donc abandonné son utilisation.
Conséquence : il n’y a plus vraiment de place à « l’improvisation digitale » dans ma vie. Chaque déplacement, sortie professionnelle ou balade, doit être organisé, les adresses notées, les restaurants ou autre présélectionnés, le trajet étudié sur la carte et balisé. Pour autant, il y a de la place pour l’aventure. Il suffit de vouloir se perdre. J’ai aussi réapprit à demander mon chemin, à regarder les panneaux et le nom des rues (et donc à redécouvrir l’architecture, à lever le nez, et même à analyser la position du soleil !).
Petit conseil : si vous demandez votre chemin, adressez vous aux personnes âgées. En dessous de 30 ans, personne ne connaît le nom des rues !
Quatrième complication : l’obligation d’imprimer mes billets de train ou de spectacle. J’ai donc du ressortir mon imprimante du placard ! Heureusement, j’en ai rarement besoin.
Dernier point : la gestion de ma banque en ligne. Heureusement, ma banque propose une option « validation des paiements par sms ». Mais il est aussi possible de demander à sa banque d’utiliser une carte de Clés Personnelles.
J’ai donc dû compenser la disparition du smartphone par l’achat :
- de cartes papier de mon coin de Normandie et de Paris aussi,
- d’un agenda papier
- et de divers carnets de notes.
Je pensais avoir du mal à honorer mes rdv ou retrouver des informations. Pas du tout. Finalement, la difficulté à utiliser internet avec ce téléphone m’en a détourné : je l’oublie dans ma poche, n’y répond qu’à l’écoute d’une sonnerie. Ce type ne téléphone n’est pas de ceux qu’on exhibe ou qu’on sort de la poche à tout bout de champ. D’ailleurs, mon cerveau m’envoie parfois encore des « pulsions téléphone » (tiens, si tu sortais ton tel pour consulter…) proche d’envies de clope pour un fumeur. Elles sont très vite étouffées, quand mon cortex se rappelle soudain que je n’ai dans la poche qu’une brique à touche aux sonneries dignes d’une musique de jeu Megadrive.
Cela m’a rendu moins réactif. Certes, mais c’est désormais aux autres de s’habituer à ce que leur vocal whatzapp ne soit pas traité comme un urgence DefCon 2.
Voilà pour moi, et si vous avez aussi sauté le pas, n’hésitez pas à partager vos propres expériences en commentaires !