Comment éviter la descente énergétique brutale ? Thierry, un lecteur assidu et initié, nous confie son analyse éclairée.
J’ai lu et particulièrement apprécié la correction critique de la bande dessinée de Jean-Marc Jancovici « Un monde sans fin » par Gislain Dubois (à découvrir ici).
Elle me rappelle un vieux proverbe paysan : il ne faut pas mettre tous ses œufs dans le même panier !
Lire aussi : « Trop tard pour la transition. Faut accepter l’effondrement » : rencontres à la Ferme Légère.
Questions de fond
Est-ce que tous les paniers, les techniques pour produire de l’énergie, se valent et doivent être équitablement utilisés ?
Y a-t-il des paniers plus propres que d’autres et lesquels, autrement dit faut-il privilégier certaines techniques plus que d’autres ?
Les énergies renouvelables sont-elles vraiment plus propres que le nucléaire civil ?
Y a-t-il des paniers plus percés que d’autres (stockage de l’énergie) et lesquels ?
Et surtout peut-on vraiment transférer nos œufs d’un panier énergétique (les fossiles) vers un autre (les renouvelables) ?
Personne, ingénieurs compris, n’a de réponses évidentes à ces questions !
Mais, j’ai la certitude, que plus nous attendons que les décideurs, influencés par les lobbies, etc, prennent une décision, plus nous tergiverserons, plus nous hésiterons, plus nous temporiserons dans le choix et le subtil équilibrage des paniers énergétiques « vert » (les moyens de produire de l’énergie sans dépasser les limites planétaires) et plus la descente énergétique sera brutale !
Il est donc urgent de revenir à plaisirs simples, moins énergivores.
Mais on ne change pas les mentalités du jour au lendemain et je suis bien placé pour le voir. On ne change pas non plus de paradigme économique du jour au lendemain !
Notre système économique mondialisé donc totalitaire (productiviste, capitaliste et croissantiste) ne sera pas remis en question tant que les « lois » du marché, qui ne sont que des règles humaines, seront perçues à tort comme des lois naturelles ou divines, donc immuables.
À ce propos, voici un extrait de L’Idolâtrie de marché. Critique théologique de l’économie de marché, par Hugo Assmann et Frantz J. Hinkelammert (Éditions du Cerf, 1993).
Les dieux de l’économie
“Les dieux de l’économie sont des dieux évidents. Si évidents dans leur caractère de dieux réels et véritables que généralement il ne nous vient pas à l’esprit de les qualifier de “faux”. Ce sont des dieux trop véritables pour être facilement remis en question. Leur identité se cache dans le fonctionnement de l’économie. Ce sont des dieux si évidents et si vrais que leur présence ne se remarque pas. Personne ne les a vus marcher dans la rue, mais ils sont dans la rue, dans les maisons, et surtout dans le commerce et toutes les institutions économiques.
Ce sont des dieux qui se possèdent, auxquels on peut rendre un culte, de la façon la plus naturelle. L’économie, dans le fond, consiste en cela : la naturalisation de l’histoire. Il s’agit de faire apparaître comme naturel ce qui est le produit historique de l’action humaine. […] Dénoncer des dieux trop apparents, parler d’idolâtrie sur le terrain de l’économie (comme sur d’autres terrains), c’est dissiper l’évidence. C’est mettre en lumière ces dieux là afin que tous puissent percevoir enfin la fonction qu’ils remplissent dans le système d’oppression. C’est quelque chose de bien plus sérieux que de se déclarer athée. Être anti-idôlatre signifie montrer que les idôles sont violentes et cruelles. Cela suppose que l’on porte de l’intérêt à ceux qui sont victimes des violences et des cruautés pratiquées an nom des idoles. Mais c’est aussi supposer que tout cela n’intéresse en aucune façon ceux qui sont protégés par les idoles, ceux qui les créent à leur image et ressemblance et qui, pour cela même, ont tant besoin d’elles. Les idolâtres se sentent menacés dans leur pouvoir lorsqu’on dénonce leurs idoles. C’est alors qu’ils contre-attaquent. Ils vont même jusqu’à dire que ceux qui combattent leurs idoles ne sont que de dangereux athées. Bien sûr qu’ils sont athées, mais athées par rapport à ces idoles, rien de plus.”
Les limites planétaires doivent rentrer dans notre code de conduite
Tout le monde sait qu’un pont s’effondre si les véhicules qui le traversent sont trop lourds. Et comme les ingénieurs connaissent les limites physiques que le pont peut supporter, les ponts et chaussées l’indiquent sur un panneau qui interdit le franchissement aux véhicules de plus de X tonnes. Ce panneau fait partie des règles du Code de la route pour tous les conducteurs dans le monde entier (sauf peut-être en Inde) parce que les lois physiques sont universelles.
Mais les limites planétaires, même si nous les appréhendons de mieux en mieux, ne font l’objet pour l’instant d’aucun panneau de signalisation inclus dans un code de la route (une loi mondiale et universelle) qu’il faudrait respecter sous peine d’amende ou de punition.
Les conférences sur le climat (COP) ne me semblent pas être très coercitives. Les bilans carbone ne sont qu’informatifs et les quotas carbone me semblent être pour l’instant une vaste fumisterie – pour ne pas dire une vaste escroquerie via la taxe carbone.
Ceux qui ont les moyens financiers peuvent continuer de prendre l’avion quotidiennement pour manger et boire viande rouge et champagne tous les jours en classe affaire ou première classe si ça leur chante ; qui peut leur interdire ?
On va bien sûr me traiter d‘écoterroriste ou de liberticide, mais sans règles du jeu, il n’y a pas de libertés individuelles puisque « la liberté des uns s’arrête ou commence celle des autres » n’est qu’une variante de l’article IV de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 « La liberté consiste à faire tout ce qui ne nuit pas à autrui ».
Sans code de la route c’est la loi de la jungle, comme en Inde où les plus gonflés font la loi, c’est-à-dire ceux qui klaxonnent le plus fort et sèment la terreur sur les routes…