Partons en visite guidée dans les jardins potagers du Moyen-Âge, véritables pharmacies à ciel ouvert.
Chaque jardin médiéval contenait un potager, des plantes aromatiques et un carré médicinal. C’est aux moines Bénédictins de l’abbaye Suisse de Saint Gall, que l’on doit le plan du « jardin idéal » (idealis hortus, en latin), tracé au IXe siècle et directement inspiré du jardin d’Eden, évidemment.
L’idealis hortus
Vous ne remarquez rien ? C’est ici que se trouve l’origine du « carré potager ». Une configuration chargée de symbolique, le 4 étant, au Moyen-Âge, symbole du monde, de l’univers et relie les 4 éléments, 4 saisons, 4 fleuves du paradis, 4 évangiles et 4 humeurs (voir notre microfocus). Chaque carré potager est donc un « petit monde » en soi.
Au sein de chaque carré, les plantes vont par 3. Une évocation de la Trinité et un moyen pratique de tourner autour du carré sans endommager ses plans. Mais aussi une façon d’associer les espèces, afin de repousser les indésirables (limaces et pucerons) sans employer de produit chimique…
On note, enfin, que, dans le respect du principe de rationalisation des efforts, le jardin potager était installé à proximité de la cuisine.
Des principes que l’on retrouve au cœur de la philosophie de la permaculture, que l’on approfondit dans cet article.
MICROFOCUS : la théorie des humeurs, boussole de la médecine jusqu’au 19e siècle. Cette théorie nous vient de la Grèce antique, voire d’Hippocrate lui-même. Elle part du principe que nous serions constitués de 4 éléments essentiels (air, feu, eau, terre) qui circulent dans notre corps sous forme de liquides. La terre est la bile noire. Le feu est la bile jaune. L’air est le sang. L’eau : la lymphe. Chaque élément « porte » une qualité : la terre qui assèche, la chaleur du feu, le froid de l’air et l’humidité de l’eau. Nos humeurs – notre santé et notre comportement – seraient produit par les équilibres et déséquilibres entre ces éléments qui nous habitent (les fameuses « sautes d’humeur »). Certes, cette théorie (qui a conduit à bien des « saignées » et des erreurs médicales) a désormais perdu toute valeur scientifique. Pourtant, elle habite toujours notre quotidien. Comment ? À travers des expressions (cf le schéma ci-dessous), mais aussi dans la cuisine. Assaisonnez-vous vos plats avec une vinaigrette ? Et bien, sachez qu’une vinaigrette n’est autre que la transposition en cuisine des 4 éléments essentiels, symbolisés par le sel, le vinaigre, la moutarde et l’huile !
Lire aussi : Ces 3 manuels de médecine pourraient vous sauver la vie
Dans les allées du potager
D’abord, pourquoi dit-on potager ? Tout simplement parce que la plupart des plantes comestibles d’avant la découverte des Amériques, étaient des légumes racines destinés aux potages (navets, pois, choux, laitues, lentilles, fèves). Mais on y trouvait aussi une diversité de plantes aromatiques.
Maintenant, quelles plantes médicinales allons-nous croiser et quelles sont leur utilité ?
Comme une image vaut souvent bien mieux qu’un long discours, voici un schéma qui vous permettra d’y voir plus clair.
Pour revenir à l’origine de l’herboristerie thérapeutique, il faut retourner au IXe siècle, cette fois chez les Bénédictines allemandes. On doit la plupart des découvertes de médecine naturelle aux recherches de l’abbesse Hildegard von Bingen, une femme exceptionnelle, à la fois botaniste, musicienne et poétesse.
Voici d’ailleurs une de ses compositions. Ceux qui aiment la musique baroque seront servis !
Ses meilleures recettes ont été réunies dans Les remèdes de santé d’Hildegarde de Bingen, de Paul Ferris, un spécialiste des plantes médicinales qui a sélectionné des centaines de recettes de tisanes, d’onguents, de crèmes, etc… à base de 50 plantes mélangées à du vin, de l’eau ou des huiles. Un véritable manuel de médecine médiévale !
Attention ! Les plantes qui soignent peuvent être toxiques, comme la belladone. Tout est une question de dosage. S’initier à la (re)connaissance des plantes avant de se lancer dans l’herboristerie médicinale est donc indispensable !
Et pourquoi ne pas visiter un vrai jardin médiéval ?
Voici quelques bonnes adresses :
- L’abbaye Notre-Dame d’Évron dans le Maine,
- Le jardin du Musée de Cluny, à Paris,
- L’abbaye Saint-Georges de Boscherville, en Normandie,
- Le jardin de Bois Richeux en Eure-et-Loir,
- Le prieuré de Salagon, dans les Alpes de Haute Provence,
- Le jardin de plantes médicinales du parc des facultés de médecine et pharmacie de La Tronche, en Isère.
Si vous avez d’autres adresses, n’hésitez pas à nous les communiquer par email (contact@escapethecity.life) et nous les ajouterons à la liste. Merci !