L’Archipel du Vivant nous convie à faire du « deal de résilience » dans nos territoires avec son nouveau projet intitulé « D2R », décliné en un jeu de cartes avec des personnalités de la collapso-sphère, mais aussi un jeu grandeur nature dans les territoires ainsi qu’un guide dédié aux résiliences locales ! Yggdrasil, partenaire de cette initiative; a demandé à Jean-Christophe Anna de nous en dire plus…
Yggdrasil : Tu viens de lancer avec L’Archipel du Vivant un projet intitulé « Dealeuses et Dealeurs de Résilience »… C’est quoi cet OVNI ?
JCA : Notre opération « Dealeurs de Résilience » vise à enclencher une dynamique, via une approche fun, décalée et ludique : donner envie à un maximum de monde d’entrer en résilience pour amortir les chocs à venir.
Y : Okay ! Et pourquoi avoir lancé cette opération ?
Un double constat simple s’est imposé à moi il y a environ 3 ans et c’est lui qui a motivé la création de notre ONG.
D’un côté, le Système dominant actuel – piloté par la finance et les grandes multinationales avec une vocation purement économique – est mortifère, écocidaire et suicidaire. Le fonctionnement même de notre civilisation thermo-industrielle sur-exploite les ressources de la Terre et aliène une grande majorité d’humains en exterminant le Vivant, ce qui met inévitablement en péril la survie de notre propre espèce.
De l’autre, un monde nouveau existe déjà, à un stade embryonnaire. Une multitude d’initiatives alternatives se multiplient dans nos territoires : écolieux et écovillages, tiers-lieux, fermes bio, recycleries, repair cafés, accorderies, SEL, monnaies locales et complémentaires, cafés associatifs, épiceries solidaires, coopératives, écoles alternatives…
Si ces acteurs oeuvrent concrètement et peuvent mener des projets en commun, ils ne font pas encore système. Ces îlots ne sont pas suffisamment archipélisés, ni organisés pour anticiper les risques liés à l’effondrement civilisationnel.
Faciliter l’interconnexion des acteurs alternatifs dans les territoires dans une perspective de résilience locale, collective et systémique est la principale ambition de L’Archipel du Vivant. Notre vision est claire : il est impossible de changer le Système actuel qui repose sur la destruction des conditions d’habitabilité de notre planète et se nourrit directement des inégalités sociales qu’il engendre.
Il nous appartient donc de changer de système !
Notre mission consiste à favoriser le développement de ce monde nouveau afin qu’il puisse rapidement constituer une véritable alternative à notre monde actuel en profonde déliquescence et sur le point de s’écrouler. Il est aujourd’hui crucial de permettre le déploiement de la résilience sous toutes ses déclinaisons, hydrique, alimentaire, énergétique, sanitaire, sociale, économique, financière, politique…
C’est à nos yeux la seule et unique parade face aux risques systémiques qui nous menacent : rupture d’approvisionnement alimentaire, stress hydrique, pénurie énergétique, blackout électrique, pandémie (vraiment) grave, migration massive (réfugié·e·s climatiques et urbains quittant les villes)…
Or, cette résilience n’est pas réellement la première préoccupation de nos institutions nationales et locales. Rien n’est fait, ou presque, alors que cela devrait être la priorité absolue. À croire que la résilience serait interdite !
C’est là qu’est née cette idée un peu folle, celle de considérer cette résilience comme une « substance » illégale et pourtant vitale. Il convient aujourd’hui de la cultiver intensément, de la faire tourner massivement et collectivement depuis les différents « points de deal » pour que le plus grand nombre puisse y goûter et la consommer sans aucune modération.
Et il se trouve que certaines personnes la produisent déjà via leurs réflexions, leurs interventions, leurs actions. Elles « dealent » en quelque sorte de la résilience.
Y : J’ai découvert les dessins qui vont orner les cartes du jeu. Chacune représente un des acteurs de la galaxie écolo-collapso : Ça va d’Aurélien Barrau à Pablo Servigne en passant par Arthur Keller. Peux-tu nous expliquer sur quels critères vous les avez sélectionnés et s’ils ont un rôle particulier dans le jeu ?
Oui, nous avons identifié 32 « Dealeuses et Dealeurs de Résilience » francophones. Et qui dit « Dealeuses » dit femmes. Si Aurélien, Pablo et Arthur font bien partie de ce Tarot un peu singulier, on y trouve également Laure (Noualhat), Flore (Vasseur), Corinne (Morel Darleux) ou encore Lamya (Essemlali).
Au total, 16 femmes et 16 hommes engagé·e·s au service de la résilience. Nous avons proposé au dessinateur Jak de les « croquer » en les transposant dans les différents univers du « deal » (banlieue, mafia, pirates) et en reprenant les codes (look vestimentaire, atmosphère) correspondants.
Si certaines de ces personnalités nous sont apparues comme des évidences et que nous n’imaginions pas ce Tarot sans elles, d’autres ont fait l’objet de discussions très animées au sein de notre équipe. Un tel exercice est bien délicat car les personnalités qui auraient pu, pour une raison ou une autre, figurer dans le Tarot de la Résilience sont bien plus nombreuses que les 32 places disponibles. Nous avons donc dû procéder à des arbitrages, forcément subjectifs.
Ce Tarot a une triple vertu : rendre hommage à ces « Dealeuses et Dealeurs de Résilience » ; les faire connaître au plus grand nombre, y compris parmi les personnes sensibles aux enjeux écologiques et préoccupées par les questions d’effondrement(s) ; et offrir une belle opportunité d’appréhender la résilience dans sa dimension systémique.
Ces 32 personnalités sont donc intimement associées à une ou plusieurs des 21 déclinaisons de la résilience que nous mettons en avant dans le Tarot.
Y : Pourquoi avoir choisi le Tarot ? C’est parce que c’est avec ce jeu qu’on lit l’avenir ? En tant que collapso, je trouve que c’est bien vu !
Alors, attention, il existe deux typologies de Tarots bien distinctes : le Tarot divinatoire qui permet de lire l’avenir – à condition d’y croire bien entendu – et le Tarot sous sa forme jeu de cartes qui est d’ailleurs plus ancienne.
Le tout premier jeu de Tarot est le Tarocchini italien apparu au XVème siècle qui a donné plus tard le jeu de Tarot français. Ce n’est qu’à la fin du XVIIIème siècle que la version divinatoire a vu le jour avec ses fameux symboles comme la mort, le pendu ou l’hermite pour reprendre le célèbre trio synonyme de malheur absolu, mis à l’honneur par le magicien Eric Antoine dans l’un de ses plus célèbres tours.
Là où le Tarot italien présente quatre emblèmes – le bâton, la coupe, le denier et l’épée – le jeu le plus connu – la version française donc qui a conquis une bonne partie de l’Europe – se joue avec les quatre mêmes couleurs que les jeux de cartes « classiques » : coeur, carreau, trèfle et pique.
Le jeu de Tarot se distingue des autres jeux de carte par trois particularités : la présence parmi les cartes de « têtes » du Cavalier qui s’ajoute au Roi, à la Dame et au Valet, les 21 atouts et les 3 « bouts » : le 21, le 1 ou « petit » et l’excuse. Lorsque les jeux de cartes comptent 32 ou 54 cartes, le Tarot en dénombre 78.
Dans notre Tarot de la Résilience, nous avons détourné ces trois singularités. Ainsi, les Rois, Dames, Cavaliers et Valets sont à l’effigie des « Dealeuses et Dealeurs de Résilience ». Les 21 atouts sont autant de déclinaisons de la résilience : biologique (le 21), systémique, collective, territoriale, interdépendante mais aussi conviviale, éducative, culturelle ou encore spirituelle (le 1).
Quant à l’excuse, nous vous réservons une petite surprise ! Enfin, nous avons fait le choix de remplacer coeur, carreau, trèfle et pique par des couleurs en prise directe avec la résilience : chanvre (le monde végétal), abeille (le règne animal), eau (la source de la vie) et menhir (le monde minéral).
Le Tarot de Base permet de découvrir ces 4 couleurs et les 16 personnalités associées comme Agnès Sinaï en Dame de menhir ou Pablo Servigne en Cavalier de chanvre. Quant au Tarot de Luxe, il s’enrichit d’une extension avec 4 autres couleurs – feu, vent, graine et plume – et 16 personnalités supplémentaires. Ainsi, Aurore Stephant est la Dame de feu, quand Stéphane Linou est le Roi de graine.
Il est tout à fait possible de jouer avec le Tarot de la Résilience comme avec n’importe quel jeu de Tarot, selon exactement les mêmes règles, à 3, 4 ou 5 joueurs·euses.
La version de Luxe permet de choisir les 4 couleurs et les 16 personnalités avec lesquelles on préfère jouer, plutôt avec Aurélien Barrau et la couleur abeille ou Jean-Marc Jancovici et la couleur feu.
Mais, il s’agit aussi d’un véritable objet collector, d’un média original pour faire passer de nombreux messages relatifs à l’indispensable résilience. Soit un joli cadeau à s’offrir ou à offrir à ses ami·e·s.
D’ailleurs, un livre accompagnera chaque Tarot. Il présentera les 32 personnalités, la symbolique de chacune des 8 couleurs et les 21 déclinaisons de la résilience. Ce Tarot a donc vocation à sensibiliser et à éveiller les consciences sur la résilience à organiser pour anticiper les inévitables chocs de cet avenir de plus en plus incertain, sans pour autant le prédire comme prétendrait le faire un Tarot divinatoire !
Je profite tout de même de ta question sur le Tarot pour préciser qu’il ne s’agit là que de l’un des trois projets de notre grande opération « D2R – Dealeuses et Dealeurs de Résilience ».
Le vrai coeur de « D2R » est bien plus audacieux et ambitieux encore puisqu’il s’agit de lancer un Jeu grandeur nature dans les territoires afin d’y déployer cette résilience locale, collective et systémique.
Face à un épuisement militant de plus en plus palpable et à une écoanxiété de plus en plus répandue, nous faisons un nouveau pari, celui de (re)mettre en mouvement, via une dynamique résolument ludique, toutes les personnes désireuses d’oeuvrer concrètement. Et il n’est pas impossible qu’une telle approche par le jeu puisse aussi séduire et attirer des « gamers » pas forcément très engagés sur le plan écologique.
Nous lancerons aux joueuses et aux joueurs des défis à relever, des quêtes à réaliser. Ces missions consisteront par exemple à cartographier toutes les alternatives intéressantes sur un territoire, à lancer à plusieurs une initiative répondant à un vrai besoin – une recyclerie, une épicerie solidaire ou encore une monnaie locale – à mener une opération de régénération écosystémique comme le nettoyage d’une forêt ou la plantation d’arbres fruitiers, à contribuer à un chantier participatif au sein d’un écolieu ou encore à organiser un événement permettant l’interconnexion des acteurs engagés.
Nous échangeons avec des passionné·e·s qui ont créé des jeux de rôle, des jeux de plateau, des jeux de cartes et des jeux vidéos afin de proposer une véritable expérience aux futur·e·s joueurs·euses.
Enfin, le 3ème projet est un Guide très pratique qui sera le pendant papier de notre portail web.
Ces 3 projets seront intimement liés puisque certaines des personnalités apparaissant dans le Tarot, pourront participer à la réflexion sur le Jeu dans les territoires et aussi apporter leur regard expert dans le Guide.
Et la réalisation de certaines quêtes pourra permettre de mettre la main sur de nouvelles cartes venant compléter celles présentes dans le Tarot. Ces cartes magiques – Vandana Shiva, Dennis Meadows ou Greta Thunberg – seront à glaner dans les territoires. Notre Tarot de la Résilience est ainsi également le début d’une collection de cartes, à l’instar des cartes Pokemon ou Magic.
Y : Et donc vous lancez une campagne de financement participatif sur la plateforme Zeste ?
Oui, cette campagne est lancée depuis quelques jours. Le Tarot de la Résilience sert en quelque sorte de produit d’appel pour financer le Jeu dans les territoires.
Car, si l’objectif affiché est de 8.000 euros pour imprimer le Tarot en 200 exemplaires, le véritable objectif est le 4ème palier, celui à 32.000 euros qui nous permettrait de lancer ce Jeu grandeur nature dans les meilleures conditions avec une équipe pour l’orchestrer et animer la communauté de joueuses et de joueurs sur un Discord dédié.
Enfin, ce 4ème palier serait pour nous la garantie de pouvoir boucler le Guide d’ici la fin de l’année 2023.
Plutôt que d’opter pour les grandes plateformes de Crowdfunding que sont Kickstarter, Kisskissbankbank ou encore Ulule, nous avons préféré le positionnement éthique et l’engagement écologique de Zeste par la Nef qui est plus en phase avec les valeurs de notre ONG.
J’en profite pour remercier nos formidables partenaires grâce auxquels nous pouvons proposer des contreparties vraiment canon : le Mouvement Colibris, 90°, la Coopérative Oasis, hameaux Légers, futurs proches, Racines de Résilience, le Low-Tech Journal et… Yggdrasil bien sûr !
À vous de jouer en soutenant leur projet par ici.
Votre aide est infiniment précieuse, merci d’avance !