En lisant La verticale de la peur, ordre et allégeance en Russie poutinienne, de Gilles Favarel-Garrigues, on ne peut s’empêcher de penser à la façon dont le gouvernement français déconstruit l’État de droit.
Dès les premières pages de La verticale de la peur (ed. La Découverte, 2023), on ne peut s’empêcher de penser aux stratégies du gouvernement en matière parlementaire ou de maintien de l’ordre.
Le lent étouffement de notre État de droit
« Usage de l’intimidation face aux initiatives citoyennes« , mise en avant d’une « dictature de la loi » comme déformation de l’État de droit, la loi est « mobilisée de façon transgressive » pour défendre des intérêts privés, exposition de la société civile à des procédures judiciaires lourdes et incertaines, valorisation et financement d’un tissu associatif qualifié de « constructif » et inféodé au pouvoir, usage du « consensus imposé« , vote de lois aux termes flous et aux catégories fourre-tout (extrémistes, fausse information, gauchiste).
Comment ne pas avoir en tête la dernière sortie de Gérald Darmanin, sur la création d’une cellule « anti-ZAD », et son usage des termes « casseurs » et « gauchistes ?
Comment ne pas penser à cet arrêté du préfet de police de Paris – depuis suspendu – qui interdisait tous les rassemblements nocturnes dans la capitale ? Des arrêtés pris en catimini, sans véritable forme de publicité ?
Comment ne pas penser au « contrat d’engagement républicain » qui permet aux élus de « sanctionner » financièrement les associations dont les actions ou les propos ne plaisent pas aux pouvoirs publics ? Alors que, pendant ce temps, le « Fonds Marianne » créé par Marlène Schiappa pour « promouvoir les valeurs républicaines » semble avoir été utilisé pour financer des associations suspectes et des personnages soupçonnés de détournement d’argent public ?
Un glissement poutinien au sommet de l’État ?
Le livre nous apprend aussi qu’au début, le parti de Poutine (Russie Unie) adoptait un positionnement « centriste » en rejetant les débats idéologiques au nom du pragmatisme et se revendiquant d’être « le parti des affaires concrètes ». Puis, à partir de 2005, le parti va glisser vers une forme de le social-conservatisme…
Pour en savoir plus sur le livre de Gilles Favarel-Garrigues, on vous recommande son interview dans une émission de France Culture.
Lors de cette interview, on entend l’auteur expliquer que, dans le régime poutinien, la corruption n’est pas une déviance, mais « un privilège, [car] c’est ainsi que l’on accède à une position politique, administrative, qui permet de détenir des ressources (…) que vous allez utiliser pour vous enrichir de manière illicite. »
Quand on se rappelle qu’en 5 ans et demi de Macronie, 11 personnalités politiques de premier plan ont été condamnées, 8 sont actuellement mises en examen et 12 font l’objet d’une enquête (source), notamment pour trafic d’influence, prise illégale d’intérêts, concussion et conflit d’intérêts… On est en droit de s’inquiéter ! Sans parler des Uber Files (le deal secret entre Uber et Emmanuel Macron à Bercy) ou de l’affaire McKinsey (une dizaine de consultants de Mckinsey aurait participé « gratuitement » à la campagne d’Emmanuel Macron de 2017).
L’entretien sur France Culture se poursuit avec une interview de Dmitri Gloukhovski, auteur de la dystopie collapso Metro 2033, selon qui « la Russie est divisée en deux castes. Celle qui fait partie du régime (fonctionnaires, juges, flics, journalistes de propagande) et les gens ordinaires qui n’ont aucun privilège, aucune protection, et donc, en fait, aucun droit. Les gens qui n’ont personne à appeler en cas de problème, alors que la corporation du pouvoir [agit en totale impunité]« .