Les doux mirages de la viande de synthèse [enquête]

viande artificielle

Les biotechs nous promettent que bientôt, les humains n’auront plus besoin d’élever du bétail pour profiter de protéines animales. L’industrie veut cultiver de la viande en labo pour nourrir le monde. Malheureusement, cette révolution industrielle a tout du mirage.

Cultiver la viande en laboratoire : un concept de science-fiction devenu réalité ! Voici le storytelling qui fait les beaux jours d’une industrie qui lève les milliards à la pelle.

Produire de la nourriture comme on fait des médocs

Commençons déjà par faire tomber l’idée qu’il s’agit d’une « grande innovation ». En réalité, la culture de protéines animales est déjà une réalité depuis des décennies dans l’industrie pharmaceutique.

Ainsi, Pfizer Animal Health, aujourd’hui nommé Zoetis, cultive de la viande pour y tester ses vaccins pour animaux. D’ailleurs, les « bio-réacteurs » à viande sont directement calqués sur les installations des labos d’Astrazeneca ou de Johnson & Johnson.

En revanche, il reste de nombreux efforts à faire pour rendre cette « bio-production » de viande de synthèse économiquement viable.

Car le processus est connu pour être complexe, gourmand en énergie et onéreux.

En effet, selon le cabinet de conseil CE Delft, le prix de production d’1 kg de viande atteint les 20.000 $.

Mais le Good Food Institute (GFI) et l’institut New Harvest, les lobbies de l’industrie des protéines alternatives (eh oui, elle n’a pas de client et a déjà ses lobbies) estiment pouvoir ramener ce coût à 2,5 $/kg seulement (!) moyennant quelques innovations. Lesquelles ?

Levées de fonds

Pour le GFI, la viande de synthèse n’aurait que des avantages : baisse du prix des protéines animales, réduction de la production de céréales dans le monde, fin de la déforestation et des pertes de biodiversité…

Et depuis ces annonces, des start-up comme Impossible Burger (qui réalise une viande végétale au goût de la “vraie”), Eat Just ou Wildtype (spécialisée dans le poisson cultivé en cellules), font la Une des magazines.

Voici à quoi ressemble un Impossible Burger

Tous les milliardaires américains veulent investir leur argent dans la viande de synthèse

Alors même que la seule qu’ils puissent goûter sont des « pépites de poulet cultivé » à 50$ l’unité et que le secteur ne représente que 0,0002 % de la viande produite aux États-Unis chaque année.

L’euphorie du marché est telle que le chimiste David Humbird n’est même pas écouté lorsqu’il annonce, après 2 années de recherches, que la « culture de protéines cellulaires est confrontée à des défis techniques extrêmes et insurmontables » pour rendre ces cellules comestibles.

Même histoire pour les recherches du professeur Ricardo San Martin, de l’AltMeat Lab de l’Université de Berkeley. Pour lui, la viande cultivée ne sera pas économiquement viable tant qu’on ne pourra pas faire croître les cellules au-delà de leurs propres limites biologiques. Autrement dit : il faudrait tordre les lois de la nature !

Concrètement, selon les calculs du Food Navigator il faudrait , pour « nourrir la planète », 4000 usines à viande contenant plus de 600 bioréacteurs, fonctionnant simultanément et sans arrêt. Ce qui correspond à un investissement de 2 milliards de $ au moins.

40 $ les 500 grammes

Problème : ces investissements vont rendre les coûts de production mirobolants.

D’abord à cause des contraintes d’hygiène : elle doit être absolue dans les lieux de production. Une seule bactérie peut gâcher un lot entier : une « qualité pharmaceutique » est nécessaire. Or, cette qualité coûte cher.

Il suffirait, par exemple, qu’une soudure de composant électronique soit un peu biscornue et permette aux bactéries de s’y cacher… pour que toute production devienne impossible.

D’après Humbird, de tels coûts de production élèveraient le « prix d’usine » de la viande à 17 $ les 500 g, soit environ 40 $ en épicerie, taxes comprises (contre 5 $ pour de la viande animale chez un boucher américain).

Le principal défaut de la culture de viande synthétique… c’est sa consommation de soja

Pour l’heure, le soja est encore bon marché. Mais le soja américain ou européen ne sont bon marché que grâce aux subventions publiques massives. Il suffirait de quelques mauvaises années pour que la machine agro-industrielle ne s’enraille. Sans parler de la déforestation causée par les producteurs de soja.

Je termine par le fait que les installations de « culture cellulaire » sont très gourmandes en énergie. Si elles étaient alimentées par de l’électricité issue de centrales au charbon, leur empreinte écologique pourrait être équivalente, voire pire, que celle de la viande traditionnelle !

Emballez, c’est pesé !

Étrangement, ces amers constats ne semblent pas refroidir les bailleurs de fonds ni les investisseurs… Pourquoi ? Parce que les industriels promettent que ces surcoûts disparaîtront d’ici 5 ou 10 ans… sans jamais expliquer comment ! Ils continuent de conter leur fable et les investisseurs affluent.

Eat Just vient d’ouvrir une usine au Qatar. La startup israélienne Future Meat Technologies a reçu 45 millions de dollars de la part de fonds institutionnels.

Et la Global Alliance for Livestock Medicines, une ONG soutenue par Bill et Melinda Gates, commence à s’intéresser sérieusement à la viande cellulaire pour “lutter contre la famine” en Afrique, en Inde et au Népal (comme si le végétarisme était mortel).

Avec la viande de synthèse, les milliardaires s’offrent un dernier petit voyage au casino, histoire de toucher le pactole, sans se rendre compte qu’en réalité, ils jouent à la roulette russe.

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